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9 janvier 2021 6 09 /01 /janvier /2021 17:35

La Belgique et le symbolisme influencèrent la poésie de Maxime Nemo qu'il célébra dans ses conférences sur Verhaeren et Maeterlinck du Groupe l'Ilôt de 1920 à 1947.

"On l’oublie trop souvent mais peintres et écrivains travaillaient de concert en ce début de XXe siècle. Si aujourd’hui la peinture semble s’être enferrée dans un entre-soi qui la coupe de toute transversalité, il en était tout autrement à l’époque de Spilliaert. Fréquentes, ces collaborations donnaient lieu à de superbes objetslivres en fac-similés. Le fameux Bruges la Morte illustré par Khnopff en est un des exemples les plus probants, ou encore Les Flambeaux Noirs de Verhaeren qu’un certain Odilon Redon frappa de ses songes charbonneux. Spilliaert ne déroge pas à la règle : du reste, il fréquente Maeterlinck, Verhaeren et même Zweig, alors souvent à Bruxelles. Il y a aussi dans son art une dimension romanesque subtile qui reflète cette Belgique d’alors s’inventant par la plume". 

L'Incorrect Janvier 2021 Marc Obregon

Maxime Nemo rencontra Emile Verhaeren dans les années 1910 qui lui dédicace son recueil "Toute la Flandre" (Ed. Mercure de France) Il assistera à ses obsèques à Rouen le 27 novembre 1917 et relatera les hommages qui lui furent rendus dans son Journal.
Il possède également un curieux exemplaire des" Rythmes souverains" (Ed. Mercure de France) dédicacé à André Gide..
 

 Du 15 octobre 2015 au 6 mars 2016, le musée des Avelines consacre une exposition à Émile Verhaeren (1855 – 1916), afin de redécouvrir, à l'approche du centenaire de sa mort, ce poète et critique d'art belge, flamand d'expression française 

L’exposition intitulée Émile Verhaeren (1855-1916) Poète et Passeur d’Art, a pour ambition de mettre en lumière cette personnalité qui fut l’un des acteurs les plus importants de la vie artistique au tournant des XIXe et XXe siècles. Elle dresse le portrait de ce grand poète belge injustement oublié, amoureux de la langue française, à travers ses engagements, ses passions et ses amitiés artistiques.
Émile Verhaeren s’est installé à Saint-Cloud avec son épouse Marthe en 1898. Il vante le charme de la commune et sa proximité de Paris, où il se rend quotidiennement pour y visiter musées, galeries et ateliers d’artiste.
Cette exposition exceptionnelle, réunissant environ 150 œuvres, est organisée avec le soutien de grandes institutions françaises (Musée d’Orsay, Bibliothèque nationale de France…) et belges (Bibliothèque royale de Belgique, musée d’Ixelles…) ainsi que de nombreux particuliers. Elle bénéficie du haut patronage de l’Ambassade de Belgique en France.
L’exposition mettra en valeur l’œuvre de ce poète de l’avant-garde symboliste en exposant ses principaux recueils, pour certains illustrés par de grands peintres amis tels Théo van Rysselberghe ou Odilon Redon.
Elle témoigne également de l’activité critique intense de Verhaeren pour soutenir les tendances nouvelles, en particulier le néo-impressionnisme et le symbolisme pictural.
L’exposition est l’occasion de redécouvrir des tableaux, sculptures et œuvres graphiques d’artistes français et belges, tels que Eugène Carrière, Henri-Edmond Cross, James Ensor, Maximilien Luce, Paul Signac, Odilon Redon, Théo van Rysselberghe, Auguste Rodin et biens d’autres.Le musée des Avelines souhaite par cette exposition, rendre hommage à un citoyen méconnu de sa ville, dont les poèmes en vers libres, d’une grande musicalité, nous invitent à voir le monde selon "l’âme du poète"


60, rue Gounod
92210 Saint-Cloud

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6 novembre 2020 5 06 /11 /novembre /2020 23:21

"J'estime un philosophe dans la mesure où il est en état de donner un exemple...Cet exemple doit être donné par la vie visible et non pas seulement par les livres; il doit donc être donné, comme l'enseignaient les philosophes de la Grèce, par l'expression du visage, l'attitude, le vêtement, le régime alimentaire, les mœurs , plus encore que par ses paroles et surtout que par l'écriture." (Nietzsche)
Ce philosophe là, je l'ai rencontré au moment même où je découvrais la philosophie, et j'ai eu beaucoup de chance: loin de me suggérer par son enseignement,que philosopher consistait à se perdre et à se plaire dans les abstractions sans aucun rapport avec l'existence (la sienne, celle des autres) ou toujours en prise sur les réalités de la vie , et d'une réflexion qui ne faisait qu'un avec cette vie.
( ce qui n'est guère mieux ) à cohabiter avec un ou deux auteurs qu'on passe son temps à disséquer, il m'a donné l'exemple d'une réflexion.
Alors que, si souvent, le philosophe cache l'homme et que sa pensée semble totalement déconnectée de sa personne ( des autres profs que j'ai connus , en hypokhâgne, en khâgne, à la Sorbonne, je n'ai jamais entrevu les hommes qu'ils étaient, ni si leurs discours reflétaient  et orientaient leurs choix,de vie), Pierre Viali m'est apparu comme un homme "total" en qui existence et pensée ne faisaient qu'un. Qui philosophait comme il vivait- sans cette prétention, ce maniérisme (d'attitude, de langage) si répandus chez les intellectuels parisiens- et qui vivait comme il philosophait , avec la même simplicité, la même modestie, à mille lieues des honneurs que tant d'autres recherchent . Il fut pour moi un exemple et un modèle.
Oui, j'ai eu beaucoup de chance. Et je m'en rends encore mieux compte aujourd'hui, quand j'observe ce que philosopher signifie pour beaucoup, qu'ils soient amateurs, agrégés ou docteurs.
Il semble que la réflexion chez la plupart , se soit complètement dissociée de la vie, qu'elle ait sa fin en elle même, qu'elle cherche davantage à s'imposer ( et en imposer) par sa complexité et son obscurité que par son exigence de vérité et de clarté ( moins c'est compréhensible , plus c'est un pur jeu verbal, et plus cela paraît profond: cf. le succès d'un Lacan ou d'un Derrida).
Passe temps mondain pour les uns ( qui, le dimanche, vont au "café" comme autrefois on allait à l'église), supplément d'âme pour d'autres (quelle entreprise ne souhaite se donner une figure humaine - et faire oublier ses véritables objectifs - en invitant un philosophe ?), source de revenus ou refuge contre le monde ( pour ceux qui s'enferment dans la spéculation "pure" comme dans un couvent) , la philosophie n'est plus, pour la majorité de ceux qui s'y adonnent une certaine façon de penser et de vivre sa vie.
A quel verbiage elle peut conduire quand elle se détache de l'existence concrète et se perd en jeux conceptuels, les cafés philo en sont une illustration. Comme ils suggèrent qu'au sommet, chez les philosophes en titre, on n'est pas toujours à l'abri, loin de là, du verbalisme - "de l'erreur, de la fausseté radicale et du non sens"(J.Bouveresse - Faut-il brûler les nouveaux Philosophes -NEO-1978)

Extrait de:  Oubliez les philosophes de Maurice T. Maschino  ( Editions Complexe 2001 )

"Je crois toujours après Nietzsche , qu'une écriture, une pensée, une vision du monde relèvent de l'autobiographie, de la confession de son auteur."( Michel ONFRAY )

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30 mai 2020 6 30 /05 /mai /2020 19:02

Ce texte inédit de 12 feuillets manuscrit relate les événements mondiaux qui secouent l'Europe . par une analyse précise des faits  et des conséquences des décisions d'Hitler depuis 1939 , Nemo analyse ce qui préside aux décisions d'un rêveur germanique face à un latin plus velléitaire . Il émet des hypothèses sur le pacte germano-soviétique offrant là un document historique au coeur de l'actualité avec des fulgurances et des condensés qui révèlent un chroniqueur au courant de la géopolitique de son siècle.

Ce texte fait suite à son récit des "événements de 1940" qu'il devait publier mais dont on a perdu la trace...

Appréciation du 7 novembre 41

La politique se situe exactement aux antipodes de la métaphysique. En métaphysique, seule, la rigueur de l'idée fonde la vérité et la maintient, au besoin contre l'évidence des faits ; en politique, il n'y a que les faits qui comptent. C'est pourquoi une « idée » politique peut devenir peut devenir une si mesquine chose, en ce sens qu'elle ne tient aucun compte de la réalité que la politique a précisément, pour fonction de régir. Ceci nous explique que les idéologues soient parmi les plus pauvres réalisateurs politiques qu'on puisse voir . Ne pas tenir compte des faits acquis ou prévisibles, en politique, est non seulement une erreur mais la pire des imbécilités. Nos politiciens, de droite ou de gauche, ne sont que d'irrespectables ganaches, car, sans être le moins du monde métaphysiciens – ce qui serait tout de même une excuse majeure!- ils méconnaissent la réalité et estiment ne devoir guider les faits du monde que selon l'ordonnance, aussi irrespectable qu'ils sont eux mêmes, des quelques idées, sur laquelle se fondent leur appréciation du réel.

C'est pourquoi en politique, changer n'est pas un méfait, si le changement a pour base une réalité plus grande ou plus nettement perçue que celle qui nous avait fait prendre position, auparavant.

Il y a à peu près quatre mois et demi que la guerre germano-russe a commencé. Aucune des hypothèses que j'envisageais comme possible le 22 juin dernier ne s'est visiblement réalisée. Une seule chose se confirme cependant . Je me demandais si le technicien russe tiendrait en présence de la technique allemande , et je doutais que cela fût possible. Or, si ce technicien vaut plus que le nôtre, ce qui n'est qu'un piètre éloge, il est loin de valoir son « collègue » allemand .

Les armées russes reculent sans cesse et semblent « fondrent dans la fournaise » . Il est probable qu'en retour, l'armée allemande est sérieusement touchée par la résistance de l'adversaire qui, tout en se dérobant à l'étreinte , oppose une défense farouche. La guerre dure donc plus qu'il n'était possible de prévoir qu'elle durerait, il y a quatre mois. Mais ce n'est pas le seul aspect qu'il convient de reconsidérer ; c'est l'hypothèse de cette guerre « étrange » elle aussi qu'il convient de revoir., et après vingt semaines d'hostilités on peut encore se demander quelle fut la cause initiale du conflit .

Depuis ce matin du 7 novembre 1941, des hypothèses nouvelles ont affleuré mon esprit. Encore une fois l'avenir dira si elles sont exactes.

Il faut en effet noter combien il est difficile de se former une opinion valable : nous vivons dans un vrai désert. Les informations d'où qu'elles se produisent sont suspectes autant que contradictoires et la meilleure méthode est sans doute, de commencer par n'en pas tenir compte. Mais, alors , où est la réalité sur laquelle baser un jugement sain ? Il s'agit rien moins que de créer la perception de l'évènement à l'aide des seules clartés intuitives. Par une sorte de génie généralisateur, il faut pénétrer dans le secret des faits accomplis , mais dont on sait seulement qu'ils le sont.On ne sait pas la cause qui les a provoqués ; ils sont encore un peu de la respiration du monde et vivent donc, à l'état de souffles. Dépourvus de la moindre plasticité, ces faits qui composent la réalité temporaire ,il faut essayer de les deviner. Et l'esprit tremble un peu, l'appréhension de l'erreur restant considérable. Pourtant, à l'homme isolé que je suis, l'homme de bonne volonté s'il en est ! Il faut accomplir cet effort.

C'est donc cette guerre , depuis son prodome jusqu'à ses réalités multiples qu'il convient de repenser, en essayant de ne pas s'égarer dans le labyrtithe des possibilités ou des cancans. C'est même bien plus que cela, c'est l'âme de cette guerre qu'il faut aborder en partant de son isolement personnel et de l'ignorance où je suis des faits qui se sont créés depuis deux ans. Je ne possède en effet que les renseignements de l'homme de la rue. Seul, peut-être change le moyen de les scruter pour établir leur figure possible, dans le réel.

L'âme de cette guerre n'est autre que l'âme d'Hitler. Je ne veux pas dire, ici, que sa conscience a nettement prévu le conflit et l'avait accepté avant qu'il n'éclatât, je suis à peu près certain que rien en lui même, n'a été si précis, et qu'en son âme et conscience , il a désiré aisni que'il l'a souvent affirmé, une solution possible sans que la guerre en soit la conséquence . Mais il en est de nos états d'esprit comme de bien des cjhoses : ils portent inconsciemment un destin en eux, et ce destin se réalise contre leur sentiment au besoin. Le destin de l'état d'âme d'Hitler était de provoquer ce sanglant conflit. La guerre dirai-je encore, est la conséquence obligatoire de son propre rayonnement, de la création de ses divers états de sub-conscience.

Il est, en ceci, bien différent de Mussolini ; d'ailleurs il s'oppose en tout au chef latin. Le rayonnement de ce dernier est limité par la précision de son nationalisme romain, tandis que celui d'Hitler est accru par la qualité de son essence germanique. Jamais chez Mussolini , la notion de l'action à entreprendre n'adopte une forme religieuse ; tout en Hitler demande à atteindre cette forme et cette fonction. Pour cette raison, il est probable que l'arrivée d'Hitler et du nazisme allemand a sauvé le fascisme d'une désagrégation certaine, puisque d'une normalisation déjà acquise. Il suffisait de se promener librement à travers l'Italie, à la veille de la guerre , pour sentir à quel point la vivacité fasciste se trouvait édulcorée.

D'ailleurs, je crois de plus en plus à une éclipse, au moins momentanée de l'influence méditerranéenne, pour la simple raison que la civilisation occidentale ne se sauvera du péril immense qui la menace- et qui est le plus grand qu'elle ait connu depuis 2000 ans:- par un recours à la vie intérieure et d'une intensité exceptionnelle de cette vie de l'esprit replié sur soi et sur ses valeurs.

Or, cette intensité, le Nord nous l'apporte tout naturellement. C'est lui qui a créé la civilisation gothique, le mouvement du Protestantisme et une immense partie de la Renaissance. Le Nord nous apporte-t-il une xème fois le salut comme, comme il nous l'apporta à l'aube et à la fin du Moyen Age et au moment de la Renaissance ? Je l'ignore , tout en indiquant la nécessité d'un tel mouvement d'opinion profonde. Je serais surpris qu'il n'y ait pas en Allemagne, à l'heure présente, un certain nombre de bons esprits pensant ainsi que moi ; en Allemagne et, peut-être en Scandinavie également.

La vie de l'âme chez Hitler rendait indispensable une évolution de l'homme qu'il est également et que je caractériserai ainsi : homme-entraineur d'événements considérables. Il est de ces êtres, comme Napoléon, qui accomplissent dans l'événement collectif exactement comme l'artiste se trouve et se découvre dans et par son œuvre. Une fatalité emporte ces êtres, plus grande que leur intelligence, perçue et exprimée. Cela, c'est à dire, cet entrainement de l'oeuvre créée, cet appel d »'une proportion appelant une autre proportion amène leur existence des éléments discordants qui peuvent être considérés comme autant de contradictions. En réalité, et comme toute nature puissante, la leur est d'une constante unité. Notre critique a constaté de ces contradictions dans le tempérament d'Hitler, contradictions que nous avons pris pour des mensonges volontaires. Une étude plus attentive de sa nature profonde permettrait peut-être d'éviter au moins ce terme et de mieux comprendre l'homme, puisque nous le jugerions à travers les difficultés qu'il a rencontrées et qu'il n'a vaincues qu'une à une.

Il existe dans toute création, une part immense de « fortune ». L'esprit peut, dès le début, en pressentir la présence confuse et compter sur cet apport, comme au jeu , on compte sur une chance ; mais le propre de l'émotion raisonnable est de s'opposer à l'apparition de ce hasard, car elle ne peut accepter de hasard sans se nier tout entière. Toute imprévisibilité semble absurde à l'esprit qui raisonne et qui mesure. Or cet esprit, Hitler ne l'a qu'en second lieu, étant avant tout passionné.

Et ici, il serait mesquin de refuser à cet homme la reconnaissance de sa qualité essentielle : il a la passion de l'Allemagne. A cette ardeur patriotique que nul Français digne de ce nom, n'a le droit de contester au maître du Reich, s'ajoute une passion morale qui, pour être moins apparente, est également certaine. C'est cette passion autre que la première, qui, le moment venu, exige que l'homme patriote dépasse les limites du sens national pour l'amener à généraliser sa pensée et à étendre sa volonté dans une affirmation de plus en plus considérable et aussi de moins en moins concrète.

Évidemment, un grand échec ferait rentrer dans l'ombre la partie la plus dense, la plus ardente de ses « rêves » en particulier ceux de l'homme d'Etat , qui est en même temps un rêveur et, ces volontés , qui ne sont d'abord que des velléités, parce que des volontés pas encore certaines de ce que nommerai : leurs débouchés avorteraient sans doute . Mais c'est l'étrange destin de ces hommes : ils forcent le Destin à les accomplir, comme s'ils étaient des complices du Destin.

Napoléon trouvant l'égal de César ou d'Alexandre en face de lui eût probablement fini sa vie dans la peau d'un obscur général de la première République ; de même que, si Hitler avait rencontré une volonté égale en génie comme en persévérance à la sienne, son échec aurait été probable.

Au contraire, en présence de sa dimension , il trouve les polichinelles anglais, américains, ou le fantoches français . Déjà, sur le plan intérieur, il a « avalé » tous les politiciens weimariens, simple pacotille dont son regard discernait la piètre qualité.

Il agit, mais nécessairement, il ,procède par bonds successifs, dominant ces opposants successifs et diluant leur antagonisme, comme on fait fondre des pilules dans la bouche. Et c'est ainsi qu'il évince ces chefs des divers partis dont on n'entendra plus jamais parler, comme il évince les Hohenzollern, les hobereaux poméraniens, ainsi que les partis populaires puissamment organisés de l'Allemagne moderne : Social-démocratie, Communistes, Centre catholique etc... Et naturellement sa confiance en lui grandit et sa foi en lui même, et en lui seul se fortifie à chaque victoire. Et c'est ainsi pourquoi un résultat atteint lui procure l'idée d'un autre résultat et qu'il dégage les points qu'il s'était assignés d'abord comme limite ; exactement comme une œuvre terminée est pour l'artiste une excitation en vue d'une nouvelle création ; l'artiste se trouvant, avec l'oeuvre achevée en présence d'un vide que sa nature créatrice ne peut tolérer.

Le monde qui ne comprend pas, laisse cet homme prendre conscience de lui et de sa force. Ce monde des réalistes modernes, est, il est vrai, le plus pauvre qui ait jamais été lorsqu'il s'agit d'estimer un tempérament créateur. Les maquignons de la Finance et des Affaires qui nous dirigent estiment même avantageux de subventionner au début le « copain » politique , qui n'a que la politique pour tremplin, alors que nos maquignons ont la Finance et les Affaires. Ils l'aident donc à grandir, à se hausser à sa première mesure, se disant que ce magnétiseur de foules restera le collaborateur qu'on paie et qu'on casse au besoin, dès que son utilité n'apparaît plus pour les Finances et les Affaires.

Les conservateurs obstinés ne voient dans Hitler que ce qu'il est capable de préserver dans le désarroi occidental où vit le capitalisme, perpétuellement inquiet et menacé. «  Chaque jour suffit à sa besogne » pensent ces gens qui n'ont ni âme, ni rayonnement intellectuel, et qui n'en désirent pas. L'idée, le concept d'un grand caractère leur est aussi étranger que la personnalité du grand artiste ou l'inquiétude de la Beauté. C'est ainsi que l'homme peut surgir de ses balbutiements et prendre la direction d'un grand Etat central.

La remilitarisation de la Rhénanie s'effectue alors, l'Anchluss éclate, le monde ne comprend pas. Pourtant le coup de tonnerre est terrible ! Le copain Mussolini en est, lui même , éberlué. On prétend que lors de la remilitarisation de la Rhénanie, le grand état major allemand a tremblé qu'une réaction ne se produise , car l'oeuvre militaire était loin d'être au point. Je suis à peu près certain qu' Hitler lui même, a eu la fièvre ; à tort d'ailleurs, puisque le monde, qui, encore, pouvait tout, n'a pas bougé – peut-être pour cette raison que le Destin est souvent favorable aux grands caractères. Un peu de magnésium a étincelé dans la nuit de l'Europe et de l'Occident, juste le temps de permettre à quelques discours de se produire, à vide ! À quelques phrases d'être photographiées ; l'ombre s'est reformée et Hitler a compris davantage qu'il avait raison de ne compter que lui seul et qu'il guidait les événements au lieu de les subir. Alors il a préparé l'acte des Sudètes. Emoi, en cet instant, d'autant plus grand que l'événement est plus « inattendu » (relire les journaux de l'époque où son peintes les étapes successives de la stupeur officielle)

Comme résultat, un scénario exactement pareil au précédent . Il n'y a , à chaque fois, qu'un métrage un peu plus long de pellicule ; et Hitler surgit, face au monde, certes ; mais face à lui même ; face à ses avertissements intérieurs qui dès la première heure lui ont laissé entrevoir la route à parcourir. Il prend conscience de son « être » se comprend de plus en plus. Désormais, les dés sont jetés : à l'Ouest, après de vaine récriminations, on admettra l'inévitable sous la forme de ce qui est fait ; à l'Est, on s'inclinera également. L'Histoire de Dantzig peut venir.

On l'a déjà indiqué et cela parait infiniment possible : en face des déclarations de guerre française et anglaise, Hitler n'a pas cru à la sincérité des réactions de ces deux pays. Il a pensé qu'après une parade militaire plus ou moins longue et démonstrative le besoin d'abdication toujours rencontré, se manifesterait encore, lui permettant de fouler une Allemagne toujours plus puissante, avec le minimum d'inconvénient pour lui , d'abord ; pour son pays, ensuite ; et pour les autres enfin.

Ici pourtant son espoir a été déçu ; un imbécile entêtement surgissement subitement au cœur du camp adverse. Ce furent ces huit mois d'attente guerrière, huit mois d'inaction coupés, seulement de nouvelles surprises, telle que l'aventure nordique, et ingénument avoué à Londres et à Paris. Ces surprises précédèrent la campagne de France et notre total écrasement.

Alors le souffle de ceux qui aiment encore leur pays, non sans mépriser un peu ceux qui vivent de lui, à bien des échelons ! Ce souffle s'arrêta. Qu'allait-on faire d'une France abandonnée par tous et par elle. Je me souviens que mon intuition me fit affirmer que l'Allemagne ne réclamerait pas fatalement la déchéance de la France et qu'elle continuerait à la considérer comme nécessaire à un équilibre nouveau, des forces européennes. C'est que l'homme de Mein Kampf était loin ; les triomphes successifs, s'ils affermissaient la position politique d'Hitler, du chef de parti et du chef de pays, voulaient que naisse également et comme conjointement propagateur d'idée morale, et qu'Hitler aboutisse au rôle qu'il se fait de lui même et de la destinée de son pays. Car ce réformateur est un rêveur. Allemand, il l'est et le demeure ; même lorsqu'une partie excentrique de son individu l'incite à une propension nouvelle de sa personnalité et l'entraîne où le rêve entrainera toujours l'homme allemand.

Ici, plus que jamais, les deux types , Hitler, Mussolini sont hostiles irréductiblement, comme, au Louvre la sculpture romaine s'oppose aux œuvres de la Grèce. Du côté latin de la galerie antique c'est l'humanité terre à terre, puissance politique certaine, mais un peu sèche autant qu'étroite ; du côté grec c'est l'humanité allant jusqu'au divin et l'englobant en soi. D'un côté donc, une humanité trouvant sa fin en soi, et limitant son génie à l'organisation de ce principe sur terre, de l'autre , une tendance méditative qui n'a qu'un pas à faire pour découvrir, sur le chemin de sa splendide raison, l'adjonction mystique qui donnera Orphée ou Pythagore, ou Plotin, et ce culte des idées pures parti d'un instinct vital, qui à l'origine, contient toute la vie possible. Or, ce don de divination de la vie essentielle, le Germain en est étrangement pourvu, et, s'il ne « l'éclaire » pas de raison comme le Grec aimait à le faire, du moins, pour lui, comme le méditerranéen pur, chaque chose commence -t-elle par un enthousiasme dionysiaque, et, ce n'est pas sans raison profonde que Nietzsche a pénétré si intensément cette partie du génie grec, et a noté la liaison de ce penchant avec la musique. Le point de départ chez les deux types est identique, puisqu'ils adossent toute vie future à un enthousiasme initial qui va permettre à la vie de rayonner. Chez le Grec elle rayonne jusqu'à la limite qu'il trouve ou s'assigne ; chez le Germain elle gravite volontiers jusqu'à l'illimité, et c'est là son danger. Mais la base est la même et peut se définir ainsi : une exaltation que l'on transporte avec soi et qui agrandit de champ en champ, de renouvellement en renouvellement , la possibilité éthique, morale ou politique d'un individu, d'un peuple, d'une race.

C'est cette faculté fécondante qu'Hitler extériorise et c'est à elle que nous devons l'apparition, dans ses préoccupations de l'idée d'un homme européen, à présent que la position de l'homme allemand est établie. Il faut à son dynamisme un élément nouveau à féconder et sa victoire a pour conséquence de le placer en face d'une responsabilité que le rêveur qui écrivit Mein Kampf, le chef de parti, l'homme politique n'avait pas envisagée ; et que ni l'un ou l'autre de ces hommes dépassés l'avait évoquée, la raison raisonnante, alors limitée par la proximité des circonstances, l'aurait repoussée , la jugeant incompatible avec l'état de l'oeuvre, momentanément présente et possible.

Chose étrange, et, fait, peut-être nouveau dans l'histoire du monde, ce sont les dimensions de sa victoire qui vont peut-être permettre au rêveur d'assouvir cette passion humaine, d'abord limitée à des créations relativement restreintes, mais qui ne cesse de s'amplifier au fur et à mesure que le succès les fortifie.

C'est qu'il est impossible à chaque homme qui a pensé fortement l'existence de ne pas sentir surgir en lui , venu des profondeurs de son être , le besoin de répandre cette notion de la vie que le rêve lui apporte, en quelque sorte composée. C'est le fait de l'imagination, sortant de ses premières vapeurs et organisant un monde immédiat, veut que les éléments de son inspiration sont trouvés insuffisants , c'est cette chaleur qui fait craquer les limites acquises sous l'effort de dilatation que l'imagination opère sur elle même, sur ce qui l'entoure, ou ce qu'elle peut atteindre. Ainsi les confins de la satisfaction individuelle sont rapidement débordés et par ce jeu de l'être sur l'être, s'organise le rayonnement de l'individu autour de soi. C'est l'exercice de cet « impérialisme du moi » qui constituait pour le Baron Seillères, le centre de la personnalité romantique ; centre sentant plus que pensant , d'abord ; mais à qui s'ajoute graduellement l'infini des perceptions, pour peu que l'imagination soit suffisamment créatrice.

Pour l'individu romantique, le monde n'existe que sous la forme d'un développement subjectif.Il le découvre au fur et à mesure que l'imagination – et pour, plus exactement dire : son imagination – le crée et c'est ainsi que cet individu est appelé à transporter dans sa notion du monde , un élan messianique dont il est bien difficile de ne pas découvrir l'essence dans la personnalité d'Hitler. Il croira d'autant plus à ce monde qu''il a la nette impression qu'il l'improvise et qu'avant lui, cet univers n'existait pas, sentiment naïf mais il a fatalement de la candeur dans l'âme du novateur. Il ne créerait pas s'il ne pensait créer !

Si l’œuvre d'Hitler réussit, si rien ne vient la détourner de l'élan qu'il tente de lui communiquer, peut-être l'Histoire dira-t-elle que cette réalisation est la conclusion logique d'un siècle de romantisme social. La Révolution Français est un fait essentiellement romantique , au point d'être romanesque en certaines de ses parties ! Et tout ce siècle, ou ce siècle et demi, n'a été qu'un long et ardent moment de prosélytisme. Ses formes, ou ses tendances : démocratiques, socialistes, communistes, anarchistes, nazistes enfin, sont les divers accidents de ses explosions de son subjectivisme. C'est essentiellement le siècle où les faits humains sont connotés sous l'angle de la perception subjective, parce que sous celui de la pure imagination. Ce qu'il y avait d'essentiellement méditerranéen dans le monde se trouble, s'altère au contact de la constante fulgurance que ce siècle nous apporte. Le principe humain y perd quelque peu de sa transparence ordinaire et acquise, et ceci au profit d'une dilatation de son principe – quelquefois hasardeuse. Mais les faits sont tels et si la négation peut – du point de vue théorique , présenter de solides avantages à l'esprit, à l'intelligence qui la risque, elle est sans la plus infime influence sur l'écoulement des choses.

Il n'est pas un artiste qui n'ait senti naître un total enthousiasme en assistant au passage du « moi » personnel à l'impression cosmique ; pas un qui, en face de son propre spectacle, n'ait été son propre créateur ou chanteur. Mais l'artiste trouve dans son œuvre un assouvissement à peu près immédiat. Lorsque sa personnalité créatrice s'est absolument accomplie dans l’œuvre créée, il s'établit un rapport entre le « mouvement » de sa personne et la stabilité de l'objet enfanté et ce rapport peut devenir, à certains moments, la source d'un apaisement au moins momentané. C'est que l'idée initiale a trouvé en même temps qu'une « étendue » une résistance dans la matière où elle va s'incorporer. Du mélange de matière et d'idée, naît une plasticité dont l'intensité, le degré de perfection est l'indice de la puissance créatrice de l'artiste. C'est par la création de cette plasticité qu'il convient de juger un artiste, puisqu'elle constitue la preuve de la réussite plus ou moins obtenue. Chez un artiste, le point de départ se nommera « rêve » et la plasticité finale sera son acte. Tout entre ces deux points n'est qu'évolution. Nous pourrions dire de l'oeuvre d'art : une chose née du rêve, attend sa forme définitive. Lorsque l'acte plastique la lui a donnée , l'acte est accompli, à tous ses étages, à tous ses stades. Mais le rôle du rêve, dans l'élaboration de l'accomplissement de l'acte peut-être constant ou rester limité par l'intervention d'autres facteurs. Il semble que chez Hitler, le rôle du rêve soit prédominant, et, toujours, le parallèle vaut entre lui et Mussolini.

La nature latine tient trop compte de l'aboutissement du rêve en acte pensés, et pensée presque depuis l'origine ! Pour laisser intervenir dans l'une de ses créations l'élément musical qui est l'indice de la constance du rêve. Le tempérament de Mussolini se prive ainsi de d'une participation susceptible d'enchanter qui assiste à l'élaboration de l'acte créateur et de maintenir également la création dans un état de permanente effervescence. Chez lui, la part de réflexion atténue à un tel degré la puissance intuitive que celle-ci , sentant l'obstacle, se méfie et avorte. Elle devient raison avant d'avoir achevé son évolution en tant que langage intuitif. Et cette intervention prématurée est la cause, peut-être, pour laquelle nous ne voyons pas la volonté mussolinienne créer des événements « imprévus » tels que ceux qui apparaissent chez Hitler. La politique d'un des dictateurs est est d'essence classique, ses tonitruances restent verbales, celle de l'autre est romantique et engendre ce surprenant qui provoque par instant la stupeur. Dans l'un des deux homme, l'imagination se limite ou se trouve limitée , elle est chez l'autre débordante et ne cesse de s'amplifier alors même qu'elle s'accomplit.

Toujours en ce domaine, il est bon de revenir aux formes de tempéraments : les actes d'Hitler naissent des richesses de l'âme et découvrent leurs sujets d'accomplissement dans une inspiration fulgurante, ceux de Mussolini redoutent cette extension vers l'infini. Il est bon de noter également que le tempérament des deux dictateurs est la très exacte expression de celui de leur peuple. La « mesure » mussolinienne, en dépit de ses outrances verbales, a certainement trouvé – au moins jusqu'aux désastres de la campagne en Grèce – une approbation profonde dans la masse italienne ; le rôle grave et quasi religieux qu'Hitler assigne aux destins de l'Allemagne moderne, cet enseignement aryen et cet acte de même nature qu'il lui réserve atteint au plus profond de son être la masse allemande qui entrevoit ainsi la « mission » dont ses besoins d'âme réclament la présence. Il n'est pas impossible qu'elle lie la notion de l'homme allemand à celle de l'individu européen et lui cherche dans sa langue et dans son propre caractère les définitions de son être.

Dès lors le langage adopté par le chancelier Hitler ne doit pas nous surprendre, de même que nous n'avons pas de raison valable de douter de la sincérité de ses affirmations : l'homme s'adapte aux dimensions de la plasticité que la concordance de l'inspiration et de l'événement lui propose. Naziste d'abord, il réalise strictement cette étendue avec l'étroitesse de vue que les limites du partisan lui imposent. Chef du Reich et homme d'Etat, il recueille et propage l'impulsion née de cet accroissement et réalise, comme récente étendue, cette Allemagne actuelle, lui donnant sa province autrichienne et affirmant la grandeur de l'unité retrouvée , ou créée, qu'il oppose, avec infiniment de vraisemblance, au chaos tchécoslovaque. La même nécessité de parfaire son étendue momentanée, le conduit à Dantzig.

Si en France et en Angleterre, de vrais hommes d'Etat eussent pensé la vie européenne, sans doute auraient-ils estimé inutile, en cet instant de développement de la puissance allemande, de tenter de briser cette nouvelle extension, en somme logique, du rêve hitlérien, puisque rien n'avait été essayé auparavant. Ils auraient compris que les fautes accumulées depuis 20 ans mais surtout depuis dix ans, les rendaient en quelque sort solidaires de ces réalisations imprévues. N'ayant rien su prévoir ni empêcher à temps, leur simple raison eût dû leur dicter la pensée d'un compromis liquidant les fautes commises et leur permettant, en quelque sorte de faire au feu sa part, en rêvant l'avenir.

Hélas, ce fut l'arrêt du Destin de pouvoir la France et l'Angleterre d'homme politiques n'étant ni des rêveurs ni de solides réalistes, mais des personnalités étriquées portées au pouvoir suprême par le hasard de la combinaison électorale, à moins que comme pour Eden ce fût la relation mondaine qui fut responsable d'une telle présence.

Le résultat est la possible unité européenne s'est écroulée une fois dans le sang et l'imprévision dont nos malingres potentats ont fait preuve a voulu que nous assistions à l'apparition d'un nouveau fait encore inattendu : la jonction des deux positions idéologiques ennemis, le nazisme et le soviétisme. A la veille des hostilités, nous observons avec surprise – toujours!- que Staline se débarrasse du chevelu et verbeux Litvinoff pour lui donner Molotov comme successeur.

Par notre faute, un renversement, non pas des alliances, mais de positions tacitement adoptées depuis dix ans de part et d'autre ( états occidentaux et empire russe) veut donc que l'ours russe cesse d'être à l'Est, le chien de garde des intérêts capitalistes ou le gardien des brebis prolétariennes.

Il est probable que la nécessité de ce renversement a dû, en dépit du triomphe diplomatique,qu'il représentait, retentir douloureusement dans la conscience d'Hitler, comme il n'a pas manqué, malgré leur discipline, de désorienter les membres du Parti, l'étonnement d'ailleurs n'étant pas moindre au pays de la faucille et du marteau. Mais c'est le privilège des grands stratèges de la, politique de n'avoir d'autres scrupules que ceux qu'exige la réalisation de l'oeuvre envisagée. A partir de ce renversement, l'oeuvre pouvait se présenter à l'esprit d'Hitler sous un aspect qu'il n'avait pas envisagé, mais qui, dans un certain sens, était inespéré.

L'Allemagne possédant l'Europe depuis le cap Nord jusqu'à Gibraltar, sa position se révélait formidable. Peut-être au Sud et en raison des défaites italiennes, son Empire était-il moins assuré.

Il ne faut pas cependant oublier qu'en écrasant la France, elle avait évincé de Méditerranée le seul grand adversaire qu'elle eut à redouter dans ces parages. Elle y restait seule encore en face de son unique ennemi:l'Angleterre. D'ailleurs sa politique poussait de hardies pointes dans les Balkans où elle savait que, le moment venu, il lui serait sans doute possible et relativement aisé de provoquer d'autres écroulements en face d'un ordre de puissance qui n'opposait à sa gigantesque organisation militaire que des forces financières doublées d'armées insuffisantes. Un coup d'épaule défonça le dispositif adverse procurant à l'Allemagne « la possession » de la Roumanie, de la Hongrie, de la Bulgarie, de la Serbie, de la Grèce tandis qu'une réaction turque était neutralisée. Dès lors il n'est pas surprenant que l'idée du continent « à faire », économiquement, politiquement, mais aussi, dirais-je : idéalement se soit, de plus en plus imposée à l'esprit du rêveur Hitler trouvant, dans cette plasticité sans cesse étendue l'espace où ce rêve peut étaler les chimères que la volonté transforme en réalité. Fédérer des états voisins, depuis longtemps, associer à une œuvre commune, dont le degré de civilisation est à peu près équivalent -états qui ne peuvent attendre qu'une circonstance pour mêler leur intimité nationale au point d'en faire la condition favorable d'un climat à peu près identique, ce point de vue peut tenter un intuitif , c'est à dire : un homme en avance sur l'événement , un homme qui comme l'artiste, part du chaos pour aboutir à, l 'œuvre. Mais quelle disproportion essentielle , doit être requise pour l'accomplissement d'un tel rêve ? Un renversement ; non plus des alliances , système désormais désuet ! Mais bien des antagonismes ; prouver que la victoire militaire ne faitque devancer en la préparant l'entente profonde entre les peuples vainqueurs et vaincus. Il faut faire de l'acte guerrier actuel ce que toutes les guerres religieuses ou idéologiques ont vainement tenté jusqu'ici : rallier les uns et les autres au nom d'un idéal dépassant les perspectives de la guerre et justifiant les horreurs de celle ci par la vision de l'avenir qu'elle laisse entrevoir, si toutes les bonnes volontés sont rassemblées. Rêve ? Il se peut encore. Cependant ce rêve a été pensé par les meilleurs des hommes de ce continent et comme il existe au fond de tout rêveur un réaliste qui sommeille , Hitler n'ignore pas de quelle puissance magique le mot : Europe peut jouir auprès de nombreux esprits comme il n'ignore point que l'hostilité principale à la réalisation de ce rêve est venu, non pas d'un antagonisme foncier et irréductible entre les divers tempéraments des nationalités, mais intéressé à sa division : la matière première indispensable à sa fonction industrielle. Nous ne devons perdre de vue que nous nous trouvons en présence d'une Europe dont les populations sont denses – si on les compare aux autres espaces, (sauf le Japon!) mais dont le sol et le sous sol ( la Russie exceptée) sont pauvres. L'esprit bute contre cette réalité. Seules les ressources russes peuvent compenser notre déficience.

Or, jamais ces ressources n'ont été largement exploitées, c'est à dire à faire du sol et du sous sol russe, le magasin d'approvisionnement du continent tout entier.

C'est que la Russie soviétique se trouvait elle même devant un dilemme qui ne devait pas manquer d'impressionner ses dirigeants.

Faire profiter l'Europe de ses ressources, c'était ouvrir grandes les portes du « paradis » soviétique, et, peut-être en laisser percevoir les insuffisances profondes. C'était risquer de perdre ce rayonnement dont le mystère de son organisation lui permettait de jouir auprès des masses ouvrières européennes et communistes ou sympathisantes.

C'était de plus établir un contact entre la vie intérieure russe demeurée primitive et une forme d'existence plus évoluée et tuer, dans son essence, le mysticisme particulariste russe et soviétique. C'était en effet laisser voir l'opposition existant entre les théories politiques et la réalité, la première soutenant que la condition prolétarienne n'était obtenue qu'en Russie et qu'ailleurs, il n'existait pour cette classe – affirmation justifiant cette tension révolutionnaire imposée au peuple russe!- ni début d'aisance ni moyens de transport ni équivalents ni usine aussi perfectionnée, mais au contraire, une existence soumise à toutes les forces de la contrainte capitaliste. C'était encore appeler chez soi non seulement les techniciens étrangers mais, poyr cette mise en valeur du sol et du sous sol, c'était y introduire l'agent capitaliste. C'était, suprême et définitif argument, faire profiter ce système décrié des formidables avantages que l'exploitation des richesses n'auraient pas manqué de produire et, ainsi, fortifier pour une durée imprévisible ce qu'on s'était engagé précisément à détruire. Enfin les expériences révolutionnaires faites ailleurs qu'en Russie au cours de ces vingt dernières années n'avaient pas été des réussites pour le bolchévisme puisque ni en Allemagne, ni en Bavière, ni en Hongrie, en dépit de circonstances favorables, ni en Italie, et ni en Espagne, le mouvement n'avait vraiment pu s'enraciner. Ces échecs successifs et constants semblaient prouver que hors de ses frontières, le bolchévisme se heurtait à des conditions psychologiques qui lui étaient nettement défavorables au point qu'on pouvait penser qu'il devenait un élément de consommation intérieure et pour races attardées. Or, le bolchévisme sait quelle est la condition essentielle de son triomphe. S'il a remis sur les derniers rayons de sa bibliothèque pas mal de ses principes premiers, au moins en est-il un qu'il n'a pas oublié : cette affirmation d('ailleurs judicieuse de Lénine déclarant que la Révolution ne peut-être que mondiale.

Ces raisons peuvent expliquer ce circuit fermé que constituait l'économie russe et le refus des dirigeants de puiser dans les ressources du sol russe ou sibérien pour d'autres besoins que les leurs. La guerre est survenue surprenant « ce monde à part » dans cet état d'expectative.

Il faut croire que plus lucide que la plupart de nos hommes d'Etat, Staline avait perçu le gigantesque de la puissance allemande. Il jugea bon -et peut-être prudent, d'établir un accord avec elle, estimant après une campagne avec la France et l'Angleterre, ,la puissance allemande accuserait une lassitude rendant, en ce qui le concernait, l'obstacle moins insurmontable.Le moment était venu pour le monde russe de voir les puissances à,l'oeuvre et de juger de leur résistance. Son état major, ses techniciens auront entretemps profité des expériences faites par les autres et avec leur sans et leur tactique diverses. Un Occident ruiné par la guerre, un Centre Européen épuisé par son assaut contre les forces de l'Ouest, l'heure d'une bolchévisation générale n'aurait elle pas sonné ? Seulement, et à la surprise du monde entier l'armée française s'est effritée en quelques semaines et, peut on dire dès le premier coup porté ; au contraire, celle de l'Allemagne est sortie non seulement intacte de la victoire remportée mais avec une assurance morale décuplée.

Restait l'Angleterre. Soumise à un bombardement terrible, elle tient, prouvant ainsi qu'encore, ,l'avion ni la bombe ne constituent un élément décisif. Mais si l'Angleterre résiste, elle est incapable de faire plus. Comme une place assiégée dont la garnison est insuffisante pour la défense des remparts mais qui ne saurait se hasarder hors de ses murs. Ce n'est pas avec cette possibilité qu'une décision risque de jamais être obtenue, au moins sur le terrain militaire. L'armée, la jeune armée anglaise, dont les effectifs sont à instruire, dont les cadres doivent être créés et le matériel mis au point, cette armée reste à l'abri de ce rempart qu'est la mer pour elle. Du point de vue russe, cette force est inexistante. Dans ces conditions, tenter une campagne à l'Est serait hasardeux ! Il vaut mieux attendre en achevant ses préparatifs.

On dirait parfois que le Destin sommeille. De Mai 1940 à la campagne balkanique, pas d'avènements sensationnels. Puis , cette péninsule s'enflamme.

Il est probable que l'anxiété a été grande à Moscou. Convenait-il d'interdire ? Staline ne paraît pas avoir été le rêveur qui prend ses décisions alors que les seules lueurs de l'inspiration les lui ont fournies : il n'a pas bronché, laissant la frère serbe à son destin malheureux et le neveu grec à son écrasement fatal.

Alors que s'est-il passé dans l'âme d'Hitler ? Si, faire l'Europe nécessite une participation sans réticences de la production, de la capacité russe, pendant ces mois d'hiver et de printemps qui précédèrent la campagne dans les Balkans, il est à présumer que les demandes, les injonctions ont dû souvent se répéter entre Berlin et Moscou. C'est que non seulement les perspectives d'une économie future rendent cette participation désirable, mais les nécessités du combat exigent qu'elle devienne immédiate. A la bataille d'Angleterre s'est substituée l'idée d'une possible bataille de l'Atlantique, bataille pour laquelle, il se peut que les prévisuions allemandes aient été prises en défaut. Certes, les stocks constitués sont gigantesques et ce ne sont certainement pas les campagnes de Pologne et de France qui les ont épuisés, mais la guerre use malgré tout et sa prolongation et son extension possible rendent nécessaire de faire entrer et par tous les moyens la ressource russe dans le circuit allemand. L'insistance se fait, pendant ces huits mois d'attente, pressante. On cherche à obtenir cette importante décision .On joue même plus qu'on ne le désire sur la caret idéologique à tel point qu'on peut dire qu'il est un moment où le nazisme verse de plus en plus vers sa tendance « nationale et socialiste ». Ceci est nettement perceptible à travers les reflets de la politique française qui cherche son inspiration à Berlin ou à l'Ambassade. Il s'agit d'attirer l'ours russe dans son camp et l'on estime que ces inclinations lui rendront l'idée d'une collaboration favorable. Mais l'ours se méfie et fait la sourde oreille.

Moment important pour le rêveur Hitler ! Jusqu'où peut aller l'esprit de conciliation qui deviendrait un esprit de concession ? Et jusqu'où le sens des hiérarchies glorifié par Rosenberg et dont tout le régime a fait sa base peut-il être atténué au profit du confusionnisme marxiste ? Question de conscience autant que de calcul politique !.....

D'autant qu'à l'Ouest, tout est incertitude . L'Angleterre tient toujours. Chaque blocus agit mais se révèle inefficace. La France accomplit une révolution de parade et s'engage dans une collaboration larvée. Et cependant, l'Europe est bien devenue une plus vivante réalité depuis la victoire allemande ; le rêveur en sent la plasticité sous ses doigts. Une Europe est certaine ; elle n'est plus seulement possible, mais l'ours voisin ne paraît pas vouloir comprendre ni même, partager le désir d'envol de l'aigle allemand. Renfrogné, il se terre se demandant sans doute si, dans cette Eurasie dont on lui promet le parfum et dont il est, géographiquement le centre, la domination viendra de Moscou ou de Berlin. Il est assez puissant pour ne pas se sentir devenir le satellute, même d'une force considérable. Certes les rêves de nos politiques, allemandes, russes ont des points de ressemblance ; d'autres hiérarchie des intérêts, des individus, des races, elles sont nettement antagonistes. L'ours attend tandis qu'Hitler s'impatiente.

Un simple logicien, tel que Mussolini lâcherait un peu, même beaucoup de sa doctrine – étant plus près de Machiavel que de Nietzsche – mais encore ici, l'opposition des tempéraments apparaît. Chez Hitler une « avance » trop forte faite du côté bolchévique signifie une négation de la valeur morale qu'il veut représenter et le moral l'emporte sur le politique.

L'avenir nous dira qui a eu raison.

Donc, ces matières indispensables d'abord à la lutte sur l'Atlantique et à la constitution d'un continent européen indépendant de la matière première anglosaxonne, ces matières qui n'ont pas voulu docilement venir à lui, Hitler ira les chercher là où elles sont ; c'est la guerre avec la Russie.

D'abord, je n'ai pas compris la réalité cachée de ce nouveau conflit. Pendant l'hiver et une partie du printemps 1941, j'ai cru à une possible collaboration groupant la France – vaincue mais encore à la tête de la majeure partie de son Empire – l'Espagne subjuguée, l'Italie harassée mais fatalement enchainée à une Allemagne dilatée jusqu'à la Belgique, la Hollande, la Scandinavie et possédant la totalité du centre européen. En ce même instant les plus informés de chez nous mais accrédités par l'Ambassade vantaient une collaboration que la raison estime inévitable et qui avait l'avantage de dessiner un premier aspect de l'Europe « européenne ». Il ,semblait alors assez logique que la Russie oscillât vers ce groupe où, les antagonismes doctrinaires sont moins grands que de l'autre côté. Dans cette unité créée , l'Europe risquait de retrouver le sens de sa mission civilisatrice, perdu au moins depuis cent ans. Le continent pouvait se soustraire à l'influence dévastatrice pour ses valeurs spirituelles profondes, américaine.

Peut-être cette constitution aurait trouvé sa juste répercussion outre atlantique en faisant perdre à ce continent le rôle de pourvoyeur obligatoire qu'il a cru devoir s'assigner dans la répartition des marchandises consommées. Elle n'aurait peut-être enfin fait naître dans ces peuples jeunes mais essentiellement barbares, un sentiment qu'ils semblent n'éprouver jamais, celui de l'inquiétude intérieure et des vrais tourments moraux. Elle eût en tout cas rétabli une sorte de prééminence de la fonction européenne dont il semble que la race blanche – et les autres aussi, ne puissent encore se passer.

 

Maxime NEMO

Texte inédit de février 1941

Nouvelles publications des écrivains français en 1941

NIEUW WERK VAN FRANSE SCHRIJVERS

Nouvelles publications des écrivains français

Publications de Valéry, Gide, Giono, Chevalier, Nemo, et autres annoncées ou déjà apparues

(de notre correspondant à Paris)

La race des écrivains Français est une race laborieuse. Voici quelques communications concernant leur production récente.           

Alain.déjà collaborateur de la Nouvelle Revue Française prépare l’édition d’un ouvrage philosophique comme suite à son "Eléments de Philosophie" paru récemment.

Abel Hermant. qui est très occupé avec le journalisme, va publier un  "Renan", et Henry Bidou annonce une "Histoire de la guerre 1939—1940".

De Jean Giono. qui est beaucoup lu et mis à l’affiche à Paris, sont parus en Algérie "Rondeur des jours" et un tract politique "Adhésion raisonnée à l'ordre nouveau". Le mois d’octobre apparaîtront "La magie a-t-elle raison ?" de René Trintzius et "Au pays de la Magie" de Henri Michaux,

 Maxime Nemo a écrit "Navire Immensité", il a fini son livre sur les évènements tragiques de « Mai 1940 » et travaille actuellement à une œuvre dramatique intitulée, "Génération".

Paul Valéry. De qui "Mélange en Tel Quel" est paru récemment, travaille sur une traduction d’une pièce de Goethe en préparation de l’édition de son oeuvre théâtrale complète dans la Collection La Pleiade. Le Baron Fouquier, l’homme qui a diné avec tous les rois de l’Europe va écrire ses mémoires, ainsi que André Bellesort. Un roman de René Thomasset "Pour la gloire" est en préparation. De Cannes, où Marcel Achard vient de finir une nouvelle pièce, André Gide a envoyé un manuscrit à son éditeur à Paris.

De Francis Carco on attend bientôt -"Nostalgie de Paris".

Het Vaderland – journal politique et littéraire
Daté du 02-09-1941

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28 mai 2020 4 28 /05 /mai /2020 10:24

Extrait d'un inédit "Littérature" où Nemo se livre et relate des anecdotes de son enfance ou adolescence (1898-1909).

"Des amis me disent , qui me connaissent un peu (de qui est-on connu en dehors de soi- et encore? ) "Tu devrais raconter ta vie"  A vrai dire, ma vie ne m'intéresse pas. je ne veux pas dire que je n'ai pas fait ses actes avec plaisirs, certains ( ceux de l'amour en particulier !) avec ivresse ; je ne veux pas dire, même, que je ne tire pas de ces actes une sorte de contemplation qui crée ma seconde vie, je désire simplement expliquer que ma vie ne m'intéresse qu'en tant qu'expérience. Au fait, c'est peut-être aussi ce qu'entendent mes amis. Cependant, il me semble qu'avec cette définition, nous sortons du système de confessions mis à la mode par cette énigmatique crapule de Jean Jacques. Ce n'est pas pour rien que je le fréquente intimement, depuis quelques années. Et que les rousseauâtres cessent de s'indigner: je suis à peu près assuré d'être d'accord avec Jean Jacques, avec ce qu'il désirait obtenir de son destin : de gagner en signification ce qu'il pourrait perdre du côté de la sympathie, de la piété bénigne. La sculpture d'André Bizette Lindet * qui va être érigée au Panthéon  représente bien la signification que, peut être le jugement de demain attribuera à Jean Jacques: c'est la puissance, la signification orgueilleuse de cette puissance qu'a exprimé le jeune statuaire et non ce côté un peu bonne  pâte, un peu Jean de La Fontaine pour chromos, de Jean Jacques herborisant inoffensif, que tant de piété lui avait, jusqu'à ce jour attribué. Peut-être décidera-t-on de ne visiter les gargouilles sexuelles du Bonhomme que pour fuir l'anecdotique et afin d'obtenir la signification humaine de son cas. C'est ainsi que l'on restituera à la généralité - au besoin malgré lui, malgré son triomphe, en dépit de son extraordinaire influence.

Et cela amène cette saveur sous ma langue, je prélude à un autre système de "confessions". Illusion peut-être vaniteuse, mais si candidement sincère qu'elle peut être reconnue.

* André Bizette-Lindet, né le 28 février 1906 à Savenay et mort le 28 décembre 1998 à Sèvres, est un sculpteur et peintre français. Élève à l’École nationale supérieure des beaux-arts, grand prix de Rome en sculpture de 1930 pour son Lanceur de javelot, André Bizette-Lindet part à Rome pour la villa Médicis, alors sous la direction de Paul Landowski

Une vie de IIIè classe souvent....Il n'y a qu'en amour que j'ai pris le train de luxe ! avec son inconfort, ses emmerdements, mais aussi ses enchantements. Lorsque exceptionnellement je suis monté en seconde  ou en première, la gueule des abrutis rencontrés a suffi pour me faire prendre à moi aussi , l'air renfrogné.; j'ai regretté les marchands de cochons et ces paysannes du Midi qui vont au marché vendre leurs oies jaunes et leurs canards bavards. Je ne sais quel amour du vrai peuple m'a toujours enchanté, de celui que j'appelle: le peuple juste, celui qui vit et que le droit à l'électorat défigure.

La Démocratie en tout me dégoûte. Le vrai peuple n'est démocrate que parce que l'irraison de quelques imbéciles  le condamnent à la fonction politique. Autrement, et ainsi que Baudelaire le dit : des sauvages et pour les enfants, il aime la pompe et les assortiments éclatants. L'Homme,  vrai, du peuple lève les yeux vers l'élevé; il sent que sa hauteur qui est celle de l'Homme est dans l'aristocratie. J'ai peut-être vu les derniers échantillons de cette catégorie, dans quelques Russes blancs; des officiers allemands; une douzaine de châtelains, français et le rural de chez nous, celui de Bretagne, de Touraine, des Charentes et des provinces méridionales. Au milieu se trouve ce qui compte à l'état de Masse: foules parisiennes, londoniennes, ; les Américains, les autres Russes; ce qui est bourgeois par excellence; et qui comme tel, confine au moyen, c'est à dire au médiocre. On se demande si la Civilisation sombrera dans cette ample béatitude venue de Karl Marx, de la Machine et de l'Argent. Pourvu que la littérature refuse de suivre le mouvement descendant! Mais revenons à mon histoire, puisque j'ai l'espoir qu'elle puisse coïncider quelque peu avec la sienne.(...)

Le grand principe de la vie de mes parents était le déséquilibre. Mon père atteignait à cette sorte de faculté avec un génie certain; il n'était capable de rien, sinon de ne pas posséder. Quatre héritages successifs, des dons intellectuels au moins brillants, auraient permis à un autre être de s'établir dans l'existence, sous une forme ou sous une autre. Les dispositions que je manifestais et que d'ailleurs il exploita (dans la limite où il était susceptible de profiter de l'aventure) tout cela le conduisit à vivre des périodes fastueuses, immédiatement accompagnées de désastres et presque de misère. Il me présenta à des personnages célèbres, plusieurs se seraient, telle Sarah Bernhardt, attachés à ma formation; il évinça les propositions après avoir à coup sûr désiré qu'elles puissent se produire. Si bien que, menant, pendant un temps, une vie extrêmement brillante au milieu des artistes au besoin en renom, finalement, nous tombions dans une sorte de solitude où naturellement, nul ne venait nous chercher. Alors, mon père quittait Paris subitement, juste après avoir noué les relations utiles et s'enfuyait en Bretagne, dans un coin sauvage ou au fin fond des Pyrénées, en plein hiver. Dans cette solitude, il changeait d'allure comme de vie. les costumes commandés chez le bon faiseur  étaient enfouis dans une malle quelconque , en attendant d'être vendus pour des sommes dérisoires.  ! il se vêtait de bure, de velours à côtés, lisait éperdûment et ne faisait rien. En dehors de la formation littéraire à laquelle  j'étais quotidiennement soumis, j'étais libre; faisant absolument ce que je voulais. ma seule compagnie était un setter blanc et noir, témoin de mes promenades quotidiennes . Je sais que dans cet hiver passé  au fond des gorges de Luz St Sauveur, j'ai usé trois paires de chaussures cloutées, parcourant seul, les cimes neigeuses ou gelées, au grand effroi des gens de l'endroit qui me prédisaient un accident certain.

Ces promenades, seul sur les cîmes, avec ma bête blanche et noire, me ravissaient. Ma jeunesse se nourrissait d'une sorte de gravité légèrement exaltée. D'avoir avancé à ce que je me disais être si loin ou si haut, comblait ma tendance à l'orgueil, ainsi qu'à la contemplation. je me sentais infiniment plus à mon aise dans cette solitude glacée  où je parvenais avec des heures de marche, qu'en présence d'un auditoire enthousiasmé par ma façon de dire tel ou tel poème , ou de passages de tragédie. Il me semblait que là seulement, l'accord se réalisait entre la calme grandiloquence du lieu où je me trouvais et celle de la diction classique ou romantique. Il n'était pas rare que je reste de longs moments à contempler les aspects neigeux qui entouraient les vallées invisibles durant lesquels, pour moi seul et mon enchantement, je me disais mes poèmes préférés: ceux de Vigny en particulier.

Ce n'est pas que je me sentisse inquiet de métaphysique ou de notions de destinée, certes non ! j'étais, et peut-être suis-je encore: admirablement simple. Confusément, j'éprouvais je ne sais quelle pression des similitudes qui pouvaient exister et unir la cadence du chant à l'aspect du spectacle.

Le besoin de grandeur qui n'a cessé de me hanter, de façon plus ou moins consciente, et précisément selon les besoins ou les clartés de ma conscience , ce souci se révélait à moi, en ces instants. J'aspirais à je ne sais quelle grandeur: celle de l'état de poète, d'artiste; celle de l'amour. Je crois bien que mes premiers rêves n'ont évoqué que des Princesses. Je les voulais non seulement princesses du Rêve ou de rêve, mais effectives, si j'ose dire, c'est à dire en réalité filles de roi, car j'étais ardemment monarchiste et je n'entrevoyais d'autre sort, qui me plut, que celui d'être le restaurateur du prince absolu. Je ne me satisfaisais pas de rétablir le Prince dans ses droits, il me fallait également le concours du faste que le passé avait vu vivre et je n'entrevoyais de cour possible qu'avec l'apparence de celle de Louis XIII, moment que, pendant longtemps j'ai préféré à tout autre sans doute à cause des Trois Mousquetaires et de Cyrano de Bergerac.

Il est toujours quelque chose d'infiniment puéril dans les admirations de notre adolescence; on ne serait pas en cet état autrement ! Je plains les esprits qui déclarent qu'ils voudraient revenir à 20 ans en conservant l'acquis de l'âge dans lequel ils se trouvent. Que non ! dirais-je comme le Faune de Mallarmé, si j'avais le privilège de revenir à 16 ans, c'est à dire à l'époque des faits que je relate ici, cesserait pour être encore pur et par conséquent jouir de l'adorable candeur qui anime quelque fois les garçons ou les filles de cet âge.

Nous rougissons de nos états virginaux, comme s'ils n'étaient pas indispensables à la maturité du jugement à venir ! Je n'ai qu'à atteindre une partie de mon être: je touche à cette grandeur pure et la contemple avec un plaisir infini. J'ai, ainsi l'impression d'avoir accompli le cycle de l'humanité tout entière. Les quelques états de raison où j'ai pu parvenir me sont chers, mais parce qu'ils n'entament en rien mes  états initiaux et ne troublent pas l'eau pure où j'ai satisfait ma première soif d'absolu. Si bien que je me découvre souvent environné de vieilles gens dont les rides intimes et externes sont pénibles à constater.

Sans doute, n'ai-je pas eu la vie de tout le monde ! Doté, par le sort, d'une faculté qui exigeait des contacts nombreux et constants avec un large public, les dispositions paternelles firent que nous avons, en réalité, vécu dans une solitude à peu près continue.

A peine mes dons d'interprète se furent-ils éveillés que mon père me présenta à Jules Clarétie *, alors administrateur du Français. Cet homme, dont le visage extrêmement doux me frappa donna ce conseil à mon père: 

- Faites qu'il acquiert l'habitude du public, mais tenez le éloigné du théâtre.

*Jules Clarétie Romancier, historien, critique et dramaturge français, né le 3 décembre 1840 à Limoges, Jules Claretie est décédé le 23 décembre 1913 à Paris. Journaliste et critique littéraire notamment pour le Figaro, il est élu membre de l'Académie française le 26 janvier 1888, et nommé Grand officier de la Légion d'honneur en 1913.

C'est probablement, pour suivre cet avis que mon père résista aux sollicitations de Sarah Bernhardt qui manifestait le plus enthousiasme pour mes dons de diseur.

- Je le rendrai célèbre ! disait-elle . Elle réunit un jour dans sa loge fastueuse quelques dizaines de personnages de la Presse, du Théâtre. je devais avoir à peu près 10 ans à ce moment.

- Ecoutez, ce gosse là, dit la grande tragédienne à ses invités. Et quelqu'un murmura, au cours de la soirée:

- C'est un petit Mozart de la poésie ! Dans la loge de Sarah Bernhardt Fort de son histoire intimement liée à cette immense dame de scène et de chant, le Théâtre de la Ville a donc reconstitué sa loge à l’identique afin de proposer aux spectateurs curieux de plonger dans ce que devait être le quotidien de cette personnalité féminine libre et marquante de la fin du 19ème siècle.

C'est au cours de l’entracte d’un spectacle que vous pourrez découvrir, au 2ème étage, les meubles de l’actrice : dont un sofa à sphinx et sa baignoire tub, mais également beaucoup de ses souvenirs, directement liés à l’histoire du théâtre français. C’est un peu comme si rien n’avait bougé. La visite est d’autant plus insolite qu’il vous faudra emprunter les escaliers métalliques au niveau 3, côté impair et passer près des loges où vous croiserez sans doute quelques comédiens !

La célébrité facile devait être mon destin: j'ai vécu obscur et sans souffrir de cette particularité.

Les succès, les triomphes obtenus, mon père, avec une sorte de tendresse jalouse, m'arrachait à mes admirateurs. Cette faculté de dire, chez un si jeune enfant était à ce point extraordinaire que des médecins sont venus dans notre appartement  pour me surprendre dans ma vie enfantine, ne pouvant croire aux affirmations de mon père  qui soutenait que j'étais normal et que mes "concerts" achevés, je jouais comme un gosse ordinaire et avec la fougue habituelle aux enfants de mon âge et avec les objets les plus simples.

Ces fuites m'enchantaient. Je savais que nous allions enfouir notre existence dans un beau paysage  au creux d'une maison perdue dans la verdure. Je savais que je jouissais d'une liberté absolue, mon père détestant la marche, que j'adorais. (...)

Cette solitude, ce contact avec des réalités qu'il fallait ou vaincre, ou surmonter m'ont , de bonne heure, rendu l'exercice du courage à peu près familier. Tout n'était pas aisé dans l'existence quelque peu fantaisiste  qui m'était faite par l'insouciance de mes parents. Notre position alternait de manière assez constante, entre le luxe et la misère. Emporté par l'imprévoyance de son tempérament, et puissamment secondé par la légèreté de nature de ma mère, l'être le plus vain et le plus frivole que j'aie jamais rencontré ! mon père, dès qu'il se trouvait en possession d'une somme d'argent, dissipait ce bien avec un facilité incroyable. Tout à coup nous nous trouvions pourvus d'une demeure  presque fastueuse, et du personnel que son entretien supposait . Mon père qui avait la passion des chevaux, achetait un pur sang, une voiture , des harnais; prenait un cocher  auquel il faisait faire , selon le goût du temps, une tenue: redingote grise, chapeau haute forme de même teinte, gants.... cette splendeur durait six mois. Puis notre prospérité, comme un ciel de Bretagne, trop claire dès le matin, se bouchait progressivement; les créanciers changeaient d'allure et de ton; de fournisseurs obséquieux, ils devenaient des revendicateurs insolents; le coeur serré, j'écoutais les altercations que notre impécuniosité faisait surgir et je devinais que mon père ne tarderait pas à me faire part de ses graves soucis.

J'étais le confident des heures tristes. Lorsqu'une réussite, quelconque amenait dans la maison un afflux monétaire, au moins momentané; ma mère jouait le rôle des grandes coquettes. Puis quand ces dissipations avaient produit leur effet, j'étais assuré de voir mon père partager quelque unes de mes promenades et me parler d'un air mélancolique . Je devenais l'ami auquel on peut ouvrir son coeur. Nous nous aimions passionnément ; aussi lorsque les difficultés économiques avaient eu pour effet de dissiper le fastueux train de vie, si imprudemment adopté, mon influence redevenue entière, entrainait mon père vers la solitude quelconque où nous enfouissions nos vie. Tout était vendu, jusqu'aux robes, aux bijoux maternels, nous vivions d'espoir, d'ambitions fabuleuses: j'assurais mon père , que l'âge venu, je serais son soutien; en attendant j'avais 16 ans et la vie à entreprendre.

 

 

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19 mai 2020 2 19 /05 /mai /2020 10:08

Pour comprendre le parcours atypique de NEMO de 1909 (à la mort de son père) et ses engagements d'acteur pour un nouveau théâtre auprès de Dullin, Copeau et Jouvet et plus de militant intellectuel que politique, dans l'aventure des périodiques CLARTE et MONDE , il est intéressant de relire la somme sur le sujet à travers la thèse de GUESSLER-NORMAND , "Henri Barbusse, Monde et les Dimensions d'Engagement, 1928-1935", (thèse non publiée - avril 1970  Kentucky University).

On comprendra mieux pourquoi il est resté en marge du surréalisme et du communisme préférant défendre des combats par la plume et ensuite par des initiatives personnelles comme l'Ilôt (1920-1931) et l'Association JJ Rousseau (1947-1975) .

Les Amis de Monde et Clarté derrière Henri BARBUSSE

Barbusse avait invité tous les auteurs révolutionnaires à intégrer le mouvement “d'Amis de Monde” et collaborer à Monde. La première édition du papier a porté une liste impressionnante de plus de 150 collaborateurs internationaux qui avaient accepté l'invitation. Parmi ceux-ci étaient Georges Altman, Sherwood Anderson, A. Ayguesparse, Henry Bellamy, Gaston Bergery, Emmanuel Berl, J.-R. Le bloc, Félicien Challaye, André Chamson, Theodore Dreiser, Louis Dolivet, Ilya Ehrenbourg, Elie Faure, Georges Friedmann, Charles Freinet, Maximilian Gauthier, Jena Giono, Michael Gold, Jean Guéhenno, George Grosz, Bertrand de Jouvenel, Panait Istrati, René Maran, Marcel Martinet, Meyerhold, A. Minard, Scott Nearing, Maxime Nemo, John Dos Passos, Magdeleine Paz, E. Piscator, Henry. Poulaille, Carmelo Puglionisi, Tristan Rémy, Romain Rolland, A. Rossi, Victor Serge, Jean Tousseul, Charles Vildrac et Alexander Zévaès.(9)

CLARTE et les Surréalistes

Pendant la période 1921-25, Clarté est passé sous le contrôle d'une minorité communiste, Edouard Berth, Georges Michael, Marcel Fourrier et Jean Bernier et a été orienté vers l'action révolutionnaire; il s'est battu contre la politique bourgeoise et la culture et pour une révolution prolétarienne.

Vers la fin de 1923, le nom de Barbusse a été éliminé comme un membre de l'équipe de rédaction. Et en 1925 il y avait un rapprochement entre Clarté et le groupe de surréaliste à l'occasion de la campagne contre la guerre au Maroc. Les révolutionnaires de Clarté avaient envisagé une action commune avec les surréalistes menés par André Breton. Par conséquent, vers la fin de 1925 il y avait une fusion entre le groupe Clarté et les surréalistes et Clarté devait être devenu “La Guerre Civile” en janvier de 1926'

 

CLARTE devient trotskyste

Après la rupture avec les surréalistes, Clarté a continué à paraître  à partir de 1926 à 1928 sous la direction d'un ancien surréaliste, Pierre Naville, sous influence de qui la critique littéraire et artistique fut abandonnée . Le Périodique abandonna son rôle d'éducation culturelle, pour consacrer ses pages aux problèmes nationaux et internationaux du communisme et de l'activité révolutionnaire internationale et défendre les idées de Trotsky C'est devenu de plus en plus inquiet avec les problèmes économiques, sociaux et politiques et en février de 1928, Clarté a été transformé dans La Lutte de Classes, un Trotskyste, révision d'anti-Staline de "l'opposition communiste".

 

Quand les perspectives révolutionnaires de Clarté ont cédé à une attitude anarchiste, Barbusse s'est détaché complètement du journal, qui avait dévié sous le contrôle de communistes et de surréalistes. Les tentatives semblables de reprendre Monde étaient infructueuses, parce que Barbusse a fait des rapprochements immédiats quand son orientation a été brièvement changée. Il avait tiré de durs enseignements de son expérience avec Clarté. À la différence de Clarté, Monde était sous son contrôle complet et il a déterminé sa politique et a assuré son existence pendant une période de sept ans.

Monde a été administré par un conseil d'administration élu par les actionnaires d'une 'Société Anonyme "Monde". Barbusse était tant le directeur de Monde que le président du conseil (...)

Comme cela a été exposé, Monde n'était ni une aventure commerciale, ni la filiale d'une organisation d'intérêt particulier comme étaient beaucoup d'autres périodiques de la période; c'était un organe indépendant avec un programme spécifique et des objectifs comme le présente sa première édition' Naturellement, ce journal était situé dans le haut eut égard par les intellectuels de gauche qui n'ont pas hésité à le soutenir quand il a été menacé avec la faillite en juin de 1932 à cause d'une dette de 50 000 francs".

Grâce aux efforts augmentés de Barbusse et à Manuel Ugarte, Albert Einstein, Upton Sinclair, Jean-Richard Bloch et Romain Rolland qui s'est prononcé dans la défense de Monde, (39) les difficultés financières du papier étaient provisoirement surmontées vers la fin de 1932.

Mais déjà Maxime NEMO avait publié "Un Dieu sous le Tunnel"(1924)  et "Julot Gosse de rêve"(1930) chez Rieder et suivait de près l'aventure d' EUROPE aux côtés de son ami Jean Richard BLOCH.

Comme cela a été montré, Barbusse a envisagé Monde comme plus qu'un journal; cela devait être aussi un mouvement semi-politique, un effort mondial vaste unissant les gens d'idées communes dans le groupe “d'Amis de Monde'”qui constitueraient le coeur du mouvement :

"Le mouvement des "Amis de Monde" groupe les forces naissantes et grandissantes qui veulent travailler au progrès social. C'est un groupement culturel d'éducation générale et non un parti.Il entendu que l'esprit qui anime les l'évaluation 'd'Amis de Monde' est un esprit purement et profondément révolutionnaire; pour une mise au point approfondie et nette des événements et des grands problèmes que nous avons à étudier et à résoudre,nous menons évidemment un travail de démolition à l'égard de ces régimes et de leurs les institutions. C'est dans cet esprit que nous convions les hommes, les jeunes gens , les femmes appartenant à divers partis, à condition qu'ils soient imbus de principes réalistes et scientifiques de libération des masses" 13

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17 mai 2020 7 17 /05 /mai /2020 10:19

Je me souviens de cette étrange voiture Peugeot 203 cabriolet qui franchissait la grille de notre propriété nantaise et de cette imposante femme nommé Berthe qui venait nous rendre visite en été comme Annie Lebrun, Emil Cioran , Gilbert Houel ou les Brunher...A cette occasion Maxime Nemo écrivait un petit poème pour célébrer cette amitié et ces repas, jamais fastidieux, enjoués et où on rivalisait de  bons mots...

Mlle Berthe habitait tantôt rue Arsène Houssaye dans le VIIIè ou dans ses chasses aux Ramaillis près de Romorantin en Sologne entourée de ses chiens et de son garde chasse, un certain M.Martin et Mlle Jeanne sa dame de compagnie. ..

A l'amie Berthe

Notre Dame des Ramaillis

qui présidez aux gazouillis

de ces oiseaux sous la ramure,

puisse mon dialecte étourdi

n'éveiller en vous des ris

et non d'autre mésaventure !

Moi, j'écris ceci de Paris

et en suis, croyez le marri,

car je rêve des verdures

Qui font songer au Paradis

où se devine tout étourdie

la vierge aux folles chevelures.

O Diane-Artémis, je vous dis

en ce jargon tout ébaubi

ce que devine ma stature:

O bois profonds où dégourdis

les dieux défont leurs bigoudis

à des berbères sans nature.

Vos secrets restent interdits,

et, peut-être, un peu déconfits

de se gonfler de leurs murmures

Notre Dame des Ramaillis

qu'on ne voit jamais sans fusil

fermez les yeux - qui êtes purs ...

Passant qui passe, amphigourique,

Ci est la rue Arsène Houssaye

Où demeure, chacun le sait,

une Vierge - problématique !

En son pignon sur rue niché

de la Friedland Avenue

elle désespère un miché

qui rêve de la dénicher nue...

Car au Ier sur la rue posté

de la batailleuse avenue

Elle mène dans l'aparté

une existence saugrenue...

O vous , qui tous la réclamez

pour d'exemplaires bucoliques

l'ange vous fait un pied de nez

et se consacre à la musique !

J'entends le soir mourir des sons

que j'aimerais rendre extatiques...

Amis, forçons cette cloison

pour que tout s'achève en cantique.

Maxime NEMO   1953.

Décédée sans héritiers, elle donna son logie à sa gouvernante , son piano Gaveau à un lointain neveu, sa chasse en Sologne au fidèle Martin et 2 fauteuils Louis XVI à son amie de toujours Yvonne Nemo.

En souvenir d'un dîner chez "Mlle Berthe", rue Arsène Houssaye Paris VIIIè

Passant bilieux qui mal digère

cy est la rue Arsène Houssay !

où demeure chacun le sait

Une Dame -  sans congénère....

En ce juin qui mal rime : sept

heureuse d'être familière

pour ses amis jamais lassés,

elle plante sa crémaillère !

Tourne d'un doigt non fatigué

ce bristol ou luit la lumière

et lis le Menu distingué

que nous offre l'Amie altière.

                M E N U

COLIN, venu par un teuf-teuf...

mais que j'affirme être plus neuf

que ce MUSCADET 49

qui le chaussera comme un oeuf !

POULET: archiduc des Ramaillis

- ne te sens tu enorgueilli ?...

accompagné, flanc gauche et droit

par: Pages - champignons à la Kate,

le tout monté, pour notre conquête :

sur ALEXE - CORTON 43

SALADE du solstice et FROMAGES variés

avec don de BOURGUEIL et de GLACE Chloé

Les PETITS FOURS hors de saison

sont fabriqués à la Maison !

RABLAY - rien du célèbre ascète !

puisque d'un cru 47...

Amandes, Abricots, Cerises :

si tout est bon qu'on se le dise !

CAFE, COGNAC, LIQUEURS...

- arrêtez ici ou je meurs !

Maxime NEMO *

Ci dessous façade de l'immeuble 1, rue Arsène Houssaye VIIIè - la verrue Vélib n'est pas d'époque et est une installation due à une autre Dame, Hidalgo (dite l'Andalouse) Mlle Berthe en eut été fort marrie.

 

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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 16:51

Henri Barbusse et son Monde (1928-35)

Le mouvement et la revue Clarté par Guessler-Normand (Extrait)

Né le 17 mai 1873 à Asnières (Seine) en France et connu d'abord pour son célèbre roman "Le Feu", Henri Barbusse était un poète, romancier, auteur de courtes nouvelles, essayiste politique et journaliste au moment de sa mort en Aout 1935. Originellement un idéaliste avec de solides croyances humanistes et pacifiques, il est progressivement devenu un réformiste actif de la société, foncièrement opposé à la guerre, au fachisme et au colonialisme. Outre sa collaboration à de nombreux journaux, il a lancé le mouvement Clarté et sa revue Clarté, il a fondé Monde, un hebdomadaire international ainsi qu'un mouvement semi-politique, qu'il a dirigé de 1928 à 1935.

Dès le début des années 25, Barbusse envisagea la création d'un journal hebdomadaire qui réunirait les intellectuels et les intégrerait dans un mouvement pour l'émancipation des prolétaires?(2)Ce périodique essayerait d'influencer la culture et de regarder vers l'avenir plutôt que vers le passé. Pour Barbusse, une telle publication semblait de plus en plus nécessaire , car les principaux journaux littéraires de cette époque : les Nouvelles Littéraires, la Nouvelle Revue Française, Candide et les Annales, n'étaient pas réceptifs aux idées d'une littérature révolutionnaire , une littérature qui devait être en contact avec les masses. Les grandes organisations professionnelles telles que la Société des Gens de Lettres et l'Institut International de Coopération Intellectuelle, ne véhiculaient qu'une orientation conservatrice. Les écrivains d'avant garde et socialistes comme Barbusse ne recevaient que peu ou pas d'attention de cette presse conservatrice et bourgeoise sous contrôle.

Comme lui même le notait :

On veut nous réduire par une véritable conspiration du silence et par une sorte de dérobade perpétuelle à ne prêcher que des convertis. La propagande conservatrice bourgeoise nous encercle; de plus en plus, il est difficile de faire entendre notre voix par dessus nos propres têtes” (4)

C'est pourquoi, il faut créer un journal indépendant qui se fasse l'avocat de la littérature révolutionnaire, qui pourra servir à penser la transformation de la société, c'est ce qui a déterminé Barbusse à créer Monde.

Barbusse était étranger au monde de l'édition. Comme cela a été indiqué, il avait travaillé durant sa jeunesse pour des journaux et quotidiens, tels que l'Echo de Paris, Petit Parisien, le Populaire de Paris et plus tard l'Humanité, et il fut également rédacteur de Clarté de 1919 à 1921.

Cette revue réunit des intellectuels de tous les pays qui voulaient former une internationale de la pensée et travailler vers l'unité, la liberté et la justice pour tous les hommes.(5) Il a pressenti le rôle de l'intellectuel comme éducateur et guide en encourageant, défendant, instruisant et unifiant les hommes vers la formation d'un monde meilleur.

Pendant ses premières années de la publication (1918-21), Clarté a exprimé les trois intérêts principaux d'intellectuels de gauche contemporains : le pacifisme, l'internationalisme et le communisme. Malheureusement, les éléments pacifistes et internationalistes de la révision sont devenus dominés progressivement par les révolutionnaires communistes Marcel Fourier et Jean Bernier. Ces deux hommes étaient des membres militants du Parti communiste français récemment formé et leurs idées étaient en conflit avec le désir de Barbusse de rester politiquement neutres. En 1921, le bi-hebdomadaire Clarté a exprimé le désir de rester politiquement neutre. En 1921, le bimensuel Clarté est devenu une publication hebdomadaire et son orientation de plus en plus révolutionnaire a conduit finalement Barbusse à la fracture complètement tant avec la révision qu'avec le groupe qu'il a représenté. En préférant rester fidèle à l'idée d'une “révolution dans les esprits”, il a estimé qu'il ne pouvait pas collaborer à un périodique qui était devenu un organe de plus en plus criant de propagande communiste.6

Quand Clarté est devenu finalement un périodique Trotskyste en 1928, selon le titre Lutte de Classes, Barbusse a décidé que le moment était venu pour établir une autre publication pour s'opposer à ses politiques. Son Monde était un journal international qui, en exposant des tendances Marxistes, devait rester indépendant de la doctrine stricte. Dans plusieurs aspects, c'était une continuation du premier esprit de Clarté, c'est-à-dire de Clarté comme cela avait été sous le contrôle de Barbusse pendant la période 1919-21. Beaucoup de collaborateurs importants ont écrit tant pour Clarté que pour Monde et parmi eux:

Léon inclus Bazalgette, Georges Altman, C. Freinet, Georges Friedmann, Paul Louis, Marcel Martinet, Magdeleine Marx (plus tard 'Paf), Jacques Mesnil, Léon Moussinac, Maxime Nemo et Charles Vildrac.

Barbusse,a travaillé de très près avec Paul Vaillant-Couturier dans le fait de terminer des plans pour le nouveau journal. Il a envisagé son projet ainsi :

"Faire un le journal hebdomadaire de grande information littéraire, artistique, scientifique, économique et sociale donnant un tableau objectif de l'actualité mondiale et qui soit chaque semaine, par les articles qu'il publierait, un reflet exact de la vie mondiale. Journal de mise au le point.

.. Organe dont le rôle serait de lutter contre les tendances rétrogrades et que rechercherait et rallierait ceux qui s'orientent vers l'ordre nouveau.

...Foyer d'information de propagande littéraire et artistique mondiale.Préconiser par la critique et par les œuvres, la renaissance de la littérature et d''art populaires et dégager le grand mouvement de la littérature prolétarienne.

. En dehors de toute polémique de parti, le journal exposera la réalité des choses sur tous les plans, fera connaître le ce qui est, à travers les déformations voulues de la propagande de l'ordre établi ,celle qui dispose dela grande presse et en fait un l'usage frauduleux et malfaisant.

. . La grande information, impartiale et exacte, agit sur l'esprit public

dans le sens des grandes causes humaines. En montrant la réalité telle qu'elle est, en la dévoilant, même avec la violence, en la débarrassant des fables, on lui permet d'agir par elle-même. La réalité est une la machine logique. On atteint de la sorte des couches d'indifférents et même des adversaires (7) .7(7)(7)

Le programme devait inclure aussi une organisation 'd”Amis de Monde” dont la mission serait de fournir aux correspondants et aider le périodique dans les reportages sur les événements contemporains.

PS: Nous avons vu dans les articles précédents les contributions de Nemo à la revue Clarté et Monde analysées par Danielle Bonnaud-Lamotte dans "Intellectuels des années Trente" entre le rêve et l'action          ( Esthétique et politique) Editions du CNRS 1989.(nombreux entretiens avec l'auteur sur Nemo)

Mais aussi dans Henri Barbusse écrivain combattant de Jean Relinger (PUF Ecrivains 1994 et enfin dans Colloque Marcel Martinet (Dijon 1981) publié par les Amis de Marcel Martinet - Ed. Plein Chant.

On comprendra mieux en lisant cette thèse sur Henri Barbusse par Guessler-Normand pourquoi Nemo s'est détaché de 1928 à 1935 et bien après la guerre du Surréalisme et du  Parti Communiste en suivant ses amis de Clarté et Monde comme Martinet et Vildrac puis JR Bloch. . 

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12 mai 2020 2 12 /05 /mai /2020 09:54

Comme en préambule à "l'étrange défaite" de Marc Bloch parue en 1940, Maxime Nemo dresse ici un tableau amer mais lucide de la France telle qu'il la perçoit depuis son "Ilôt" à travers les conférences qu'il se voit à regret contraint d'interrompre. Il avait depuis 1919 à Strasbourg où il enseignait à côté du même Marc Bloch, alerté avec ses compagnons Barbusse, Romain Rolland et JR Bloch des menaces qui pesaient sur l'Europe après une guerre qui avait décimé les hussards normaliens dont Fournier et Péguy. Il multiplia articles et développa au jour le jour, dans son "Journal "inédit de 1928 à 1941 ce thème d'un antagonisme revanchard qui devait anéantir son idéal pangermaniste et pacifique à la fois. 

"Lorsqu'en octobre 1939, il fut acquis que le danger d'anéantissement engendré par la guerre, pouvait n'être pas immédiat; que, peut-être même, le conflit se situerait dans une position assez analogue à l'état de paix armée supporté par le pays depuis un an, nos dirigeants se souvinrent de l'influence que la France possédait dans le monde et se préoccupèrent de fournir au conflit une sorte de consécration intellectuelle qui lui manquait encore. L'imagination des écrivains, des artistes, des penseurs fut sollicitée; les académiciens, eux mêmes sortirent de leur réserve. 

On fit des mots, des phrases, sur cette guerre dont l'aspect déroutait les prévisions les plus objectives. C'est alors qu'une expression typique circula, dans certains milieux - ceux où l'on pense - expression due à l'une des sensibilités les plus précieuses, à tous les sens du terme, de notre époque: Paul Valéry. 

"Cette guerre est singulière" fit-on dire au poète de Cimetière marin.

Or cet événement "singulier" vient de se terminer; nous le pensons du moins. Et il se termine par une défaite dont la violence est telle qu'elle peut-être irréparable. 

A quelles causes immédiates et lointaines, devons nous un pareil coup du sort ? Ce qui reste, en nous, de tendrement attaché à l'idée : France, à son génie, à sa beauté s'interroge, et avec quelle angoisse !...

Ainsi, depuis que non unité existe, pour la première fois ce peuple s'est  battu sans obtenir de la Fortune hargneuse le moindre sourire. 

L'esprit, pourtant, se refuse à admettre le principe d'une défaillance de l'énergie raciale, car ,dans les domaines où l'individu pouvait encore agir , où sa vertu active et créatrice demeurait libre - inventions scientifiques, expressions esthétiques ou action colonisatrice - les qualités françaises se trouvaient, intactes. 

Et c'est pourtant un fait que lorsque la collectivité française se heurtait à une autre, il arrivait fréquemment qu'elle se révélât inférieure à sa rivale. Le sens du collectif nous ferait-il, à ce point, défaut ? Pourtant, nous n'avons pas bâti notre Histoire et notre unité à l'aide seulement, d'individualités éparses. Nous avons su les concentrer et les soumettre à la vertu du collectif… Est-ce alors que depuis un certain temps, "quelque chose" nous fuit - parce que des impulsions insuffisantes ont établi, autour de notre tempérament un, ou des climats pernicieux à notre énergie. 

Oui, peut-être notre idéologie générale a-t-elle besoin d'être révisée. Profitons du moment: saisissons la pénible occasion qui nous est offerte, en nous disant que la défaite peut avoir une utilité que ne comporte pas forcément la victoire. Elle met à nu les insuffisances fonctionnelles d'un régime; elle oblige individus et collectivités à opérer un examen de conscience qu'il est, peut-être salutaire de faire de temps à autre.

Si nous tentions d'être aussi graves que l'événement qui vient de se produire ? Peut-être, la Fortune se déciderait elle enfin. 

Le premier résultat de la défaite a été de faire remettre le pouvoir absolu entre les mains d'un homme de 84 ans. Le soin de sauvegarder ce qui peut-être conservé du patrimoine national lui est confié. 

N'étant pas initié plus qu'un autre aux mystères de la politique française, je ne puis dire s'il existait une autre personnalité capable d'assumer la responsabilité d'un tel rôle. Tous les hommes politiques parus et disparus depuis 20 ans, ou devraient tous être disqualifiés. En dehors de ce vieillard, il semble bien qu'il n'existe plus rien. Cette absence autant que cet isolement prouvent à quel degré de stérilité nous étions insidieusement parvenus en France - peut-être en raison de la consommation effroyable de dirigeants politiques que notre conception du régime parlementaire provoqua.

Philippe Pétain est le maître de nos destinées. Tel est le fait actuel. 

Cet homme en raison de son âge, autant que des circonstances, est obligé de se hâter pour accomplir sa tâche. 

Quand on constate l'étendue des dommages, et le peu d'aptitude qu'ont les Français à en mesurer l'ampleur, on se demande si le temps permettra que l'oeuvre de "redressement" s'accomplisse sous cette unique direction.

Quel étrange sort que le nôtre ! Ailleurs, l'autorité est exercée par des hommes jeunes encore, ici, où se trouve le désastre, elle l'est par un vieillard de 84 ans. 

Ce désastre, Philippe Pétain l'attribue à diverses causes; cependant, il a dénoncé immédiatement le goût qu'aurait la population française de s'abandonner au simple plaisir de jouir. C'est à cette jouissance que nous devrions la mortelle désagrégation des caractères qui sévit parmi nous et celle-ci aurait sa directe répercussion sur la déchéance des énergies morales ou spirituelles que nous pouvons, en effet constater. 

Mais cette jouissance qu'attaque si sévèrement Pétain, elle est la conséquence de notre monde moderne de celui, au moins, dans lequel le principe de l'argent est devenu le seul régulateur des aspirations privées et collectives. 

L'effet de cet effréné désir corrompt tout, de l'individu jusqu'à, la famille; il s'étend ainsi à la société entière… Et il faudra plus que des mots et des règlements "légaux" pour rendre à l'activité française une énergie qui l'a quittée depuis longtemps déjà. 

Peut-être , même faudra-t-il prévoir des formations humaines neuves, donc différentes de celles que nous possédons pour effacer les effets de la jouissance à travers l'étendue du corps social. Peut-être là aussi faudra-t-il  envisager d'autres solutions que les "classiques", fournies par le passé, pour remédier aux effets de la crise, et faire preuve d'imagination en innovant quelque peu. 

L'esprit de jouissance mine les meilleurs élans de notre conscience. Pourquoi constatons nous le fait; et pourquoi s'opère l'obscure conjonction de notre nature et de ce plaisir qu'on accuse aujourd'hui ? 

La jouissance est chose grave. De ceci, nul ne se doute, ou à peu près. La jouissance, portée jusqu'à certains excès, peut-être plus qu'une maladie ordinaire: elle comporte des fins morales; et ce sont ces dernières qui risquent d'être définitives, indiquant, ainsi, le fléchissement de tout le ressort d'un grand peuple.

Dès que l'organisation sociale permet à l'une des parties de la communauté de s'abandonner à la jouissance d'un plaisir trop aisément obtenu, il ne me semble pas excessif de soutenir qu'une partie du corps social est en danger.

Il est entendu que la vie suppose un degré de jouissance légitime. N'ayons pas, surtout, vis à vis de l'existence, une attitude rigoureuse; elle n'a cessé d'en rire , en l'esquivant toujours; souhaitons au contraire que le premier résultat de la défaite nous rende à un équilibre sain et ne nous dote pas de cette autorité agressive , incompatible avec une vue vraie. Nous ne ferions qu'ajouter au désarroi qui nous habite, et celui que la crise a provoqué suffit, il me semble à notre consternation. 

La jouissance est et demeure l'un des buts de la vie. Mais elle ne peut être obtenue gratuitement; elle ne peut surtout, demeurer sans effets utiles à la vie même. La jouissance en un mot, n'a pas le droit d'être stérile . C'est là toute la question.

Si nous savions encore observer la vie, que de leçons directes et simples elle nous donnerait. La Nature nous révèlerait qu'elle n'oeuvre pas, avec l'aide, la participation, comme la complicité du plaisir, pour aboutir à la seule satisfaction de l'instinct individuel mais pour se défendre contre les chances d'anéantissement qui guettent l'existence. par ce moyen, la vie prolonge la durée vitale dont le plaisir devient l'agent essentiel.

Mais  peut-être pensera-t-on que je confonds deux domaines bien distincts: celui de la Nature et celui de la société, qui est une création artificielle ajoutée à la première. Je ne songe pas à les séparer, sachant qu'ils se complètent , et parfois harmonieusement. La nature nous donnant ses joies, pourquoi la société n'aurait-elle pas les siennes, même si notre jugement les estime artificielles ? Dans une société, la part réservée à l'artifice est fatalement immense. , puisqu'en elle tout est arbitraire. Mais la société suppose, ou alors elle n'est pas, l'intervention de ce pouvoir de raison qui lui dicte les conditions d'une harmonie possible. Le plaisir, qu'il soit naturel ,ou artificiel, doit être évalué par des considérations, indépendantes de l'appétit particulier, parce que soucieuses du bien général. 

Le plaisir est, et nous ne pouvons que constater son existence et sa nécessité; mais il peut-être entrainé vers des réalisations qui supposent un effort et un but. Au contraire, il est pernicieux de faire de la simple jouissance  - et ceci, la Nature elle même nous l'interdit - une faculté en quelque sorte gratuite et indépendante de ce que j'appellerai: le destin général. 

Or "l'éthique" du monde moderne d'hier - ce monde, parait-il que nous venons de dépasser; ce monde radicalement exclu de l'avenir ! - cette éthique admettait très bien que le plaisir de jouir fût acquis aisément- pour beaucoup, sans le plus minime effort ! - et ne correspondît qu'à l'étendue des satisfactions personnelles, personnelles à l'individu ou à une catégorie d'hommes. C'est ainsi que s'est propagé un épicurisme de bas étage et qu'à tous les échelons du social, l'énergie, ne trouvant plus l'accueil, s'est lentement et invisiblement atrophiée. 

C'est que l'énergie ne s'exerce qu'en vertu des buts qu'on lui propose; qu'on lui suggère, au moins. Jetez un coup d'œil sur cette vie dite antérieure, cette vie dont le désastre subi vient - je l'espère autant que vous - de nous détacher: quel autre but que la facilité était avancé vers l'énergie individuelle par la "morale" qui était la sienne. 

Certes, des énergies se manifestaient encore, mais elles n'étaient pas sollicitées par l'étendue du corps social; beaucoup d'individus composant ce corps, l'estimaient pour le moins superflue, et certains même la jugent encombrante.

Une présence, à ce point continue, introduit fatalement dans la mentalité  collective le sentiment que le moindre effort suffit pour parvenir à la jouissance, c'est à dire au but de la vie ainsi envisagée. Dès lors l'énergie se lasse et finit par résister aux sollicitations de l'impulsion imaginative, qui voudrait l'entrainer vers "l'oeuvre" dont l'énergie est pleine, et que l'imagination entrevoit parfaitement. Tout ce qui devait être retombe sur soi même , ou ne rayonne qu'à travers, toujours la minime étendue des satisfactions individuelles. Rien de généreux n'est transporté de l'être à l'être; quelque chose se meurt pour n'avoir pas été. Et c'est alors que naît dans l'esprit d'un peuple ce dégoût du changement qui est souvent la marque de son affaissement. Ce peuple n'aime plus une vie qu'il est incapable d'imaginer. Ce peuple pourra jouir mais il sera incapable de comprendre , et par conséquent d'aimer, les grandes causes de la vie: il est vrai que la satisfaction des petites lui resteront.

Depuis 40 ans, la même cohorte de politiques, d'économiques et de financiers domine les affaires politiques, qui sont les nôtres et que nous n'avons cessé de dire mal gérées; pourtant cette bande est la même qu'il y a quarante ans.  C'est que nous sommes conservateurs, non pas par conviction , puisque nous ne cessons d'affirmer  - et avec raison - que nous conservons la médiocrité en place; nous gardons ces formations désuètes par paresse imaginative et par horreur du changement.

La constatation est si triste qu'elle devient tragique; surtout lorsque nous songeons que, sous la pesanteur de cette oppression du médiocre - donc du pire !- les jeunesses se sont succédées et elles se sont éteintes, sans être parvenues à une existence réelle. : à cet enthousiasme qui change, ce qui est parce que l'état rencontré est incompatible avec le sien. Sous l'influence de cette vie , créée une fois pour toutes, les jeunesses se sont éteintes  s'enfermant dans le seul but qui leur fut attribué, lequel impliquait la dispersion de leur énergie dans des jouissances aussi niaises que plates. Pour ces générations, "vivre" a consisté à entrer dans une existence déjà tracée; où tout était prêt et prévu ; où l'expérience antérieure devait conditionner étroitement celle de l'avenir; existence où tout n'était qu'affaire de patience , puisqu'il s'agissait d'attendre paisiblement , et dans une inertie progressive , que la maturité nécessaire parvienne  aux uns, en abandonnant les autres, afin que la fonction soit occupée , en somme par un être identique , en dépit du changement de personne. Ni les pères ni les fils n'étaient capables de penser que la pire des fortunes est de parvenir à un monde où il semble que tout est fait. 

Qu'on ne se le dissimule pas: les jeunesses allemandes, russes ou italiennes, trouvant autour de leur énergie un "climat" aussi alanguissant, n'eussent jamais participé au redressement qui leur a assuré leur triomphe. 

La France est vaincue par elle même: mais le crime de ses dirigeants demeure; crime, hélas imputable à la Fatalité qui les fit ce qu'ils furent; et cela suffit à notre malheur. 

Nous sommes les victimes d'une sorte d'existence où l'imagination se trouvait sans emploi; où la fonction créatrice était refusée. C'est l'absence, au moins, à la minimisation de cette ardente faculté que nous devons, d'une part au ralentissement progressif de notre activité générale et, d'autre part, cet amour sans discernement du plaisir béat qui fut le but de tant de gens, depuis trop longtemps. Privée de toute énergie inspiratrice, notre vie s'est apesantie sur elle même, ne trouvant en elle que ce besoin de bien être qu'elle se mit à ériger , comme monument de la seule fonction morale à laquelle elle aspirait. 

Notre défaite est la conclusion d'un état  général ; sa rapidité, son ampleur ne frappent que l'esprit qui ne réagit pas ou qui réagit mal. 

Pareils au dragon Fafner, nous avons dormi sur un trésor, incapables que nous étions d'imaginer qu'à côté de notre somnolence, la vie produisait les activités viriles dont elle a besoin. Nous, nous dormions ! ou bien nous étions "inactuels" ainsi que l'écrivait, en janvier dernier, un "jeune" dans un article de la Nouvelle Revue Française. Le pire est que nous n'étions pas frappés par cette inaptitude à être dans le présent actuel… Mais il est vrai que pour l'être il eût fallu que nous puissions nous comparer à ce qui existe ailleurs, et, que ce présent qui n'est pas le nôtre, nous le connaissions. Or, nous n'inclinons  pas volontiers notre nonchalance à vivre vers ce qui est étranger, et c'est ainsi que nous avons, presque volontairement, ignoré ou méconnu le caractère de ces exaltations sociales nées en dehors de nos frontières. Nous voulions ignorer, même, la plupart des Français réellement qu'elles étaient d'autant plus redoutables qu'elles venaient de naître d'un désespoir parallèle à notre bien être; désespoir sur lequel nous avions, à peine jeté les yeux, trop occupés que nous étions de notre seule tranquillité. Nous préférions vivre et nous congratuler entre gens pourvus de l'indispensable, et d'autant de superflu que chacun pouvait en accumuler ce qui se situait en dehors de notre égoïsme ne nous intéressait pas. 

Si, parfois, sous l'effet d'un choc né d'une contraction intérieure ou extérieure, nous consentions à sortir de notre apathie et à passer à une forme d'état que nous confondions avec l'action, un phénomène épidermique se produisait alors : nous changions l'orientation de notre activité parlementaire; il y avait alors dans la Presse et une partie de l'opinion publique , cette minime agitation fébrile que quelques dixièmes d'un degré de température donnent à un corps resté sain. Et puis il y avait "un moment solennel" durant lequel le nouveau "dirigeant" faisait à la tribune du Parlement  des déclarations toujours décisives. Les sonorités verbales de cet X  politique faisaient s'épanouir ce qui subsiste en chacun de nous de bas romantisme; on affichait parfois ces déclarations jusque sur les murs des hameaux les plus éloignés; l'esprit des "grands ancêtres" - quelle rhétorique parlementaire n'a pas les siens ? - semblait sortir des Limbes; un peu de leur truculence surannée ayant revécu dans le présent politique du grand pays, la grande Presse ondulait de plaisir ou d'indignation; les comités de province s'agitaient…..et tout rentrait dans l'ordre antérieur : les ancêtres décidément , dans leur tombe; les vivants, dans leur bien être. Pendant ce temps, des nations, frémissantes d'audace accomplissaient leur oeuvre  - il est vrai sans être gênées- par une opposition digne des intérêts en cause; les pays "apathiques"exerçaient seulement sur elles cette pression verbale qui leur avait réussi sur le plan intérieur de la vie électorale; un peu de temps passait, effaçant l'effarement provoqué par les geste hardis, et tout redevenait  étale sous le regard attendri de nos béatitudes nationales. On se reprenait à sourire, à vivre; puisque vivre pour les jeunes, les mûrs et les vieux consistait à assurer l'immédiate  satisfaction des instincts privés et collectifs. Il s'agissait pour tous, d'accroître, et sans douleur, la quantité de jouissances que l'être peut contenir et consommer; tout en laissant autrui se débrouiller avec ses malheurs personnels. Pareille attitude n'empêchait nullement d'ailleurs d'être "européen"; qu'importait, en effet, une formule de plus ou de moins !

C'est "cela" qui vient d'être vaincu . Il n'est pas nécessaire d'être prophète pour affirmer que la nation France sera désormais cet appendice sans gloire, ou, alors elkle ne sera plus. Notre défaite vient de ces déchéances successives que nous n'avons pas surveillées et qui nous ont placés, sans ressorts suffisants, en face d'un événement qu'il fallait prévoir et auquel il fallait répondre. Nous n'avons su ni prévoir ni répondre. 

On prononce de grands mots, car la défaite comporte également sa facilité. Au lieu d'accuser l'état des mœurs et de reconnaître sa défaillance, on préfère murmurer le mot de trahison. Nous avons tous trahi, en ne voulant pas un événement visible, mais en ne faisant rien pour l'écarter; espérant que notre condescendance vis à vis de nos faiblesses serait comme "épousée" par l'événement . La trahison ! de grâce, ne versons pas dans le mélodrame; la grandeur de notre tragédie devrait nous suffire; car la question qui reste posée par notre destin est celle-ci: serons nous capables de faire surgir de notre défaite une qualité d'âme que la victoire passée ne nous a pas donnée.

Notre victoire de 1919, victoire de Versailles….On pourrait soutenir que d'elle est venue notre source d'appauvrissement , s'il n'était nécessaire de voir en elle - et en lui- le résultat logique d'un régime dont l'ordre repose - je voudrais pouvoir écrire : reposait ! - sur la seule satisfaction des intérêts privés, intérêts de l'individu ou d'une classe. 

Dans ce délire de soi même qui est l'essence du capitalisme , gît la raison profonde de notre décadence. Mais ce n'est pas sou l'angle politique  qu'il faut envisager cette corruption du régime, car la politique n'a que des solutions du même ordre à nous proposer. C'est sous l'angle de la vie morale, spirituelle et métaphysique que nous devons rechercher et découvrir le principe d'une condamnation sans appel. 

Notre décadence immédiate vient de Versailles, c'est à dire, de notre dernière victoire. Mais Versailles n'est la dernière malfaisance politique d'une divinité dont nous tirons nos vices secrets et publics: le Veau d'Or. 

Seulement, il existe une pathétique différence entre le symbole que stigmatisa Moïse et la puissance qui préside à l'organisation de nos destins actuels. Jadis, le Veau d'Or fut un bloc, une statue; nous avons monnayé le symbole et nous possédons dans nos poches, et jusque dans nos âmes une parcelle du métal jadis érigé en statue. La répartition des richesses a joué, entre temps, son rôle malfaisant; l'or s'est individualisé, abolissant, dans la personne humaine une partie importante des vertus de désintéressement, sans lesquelles il n'est pas d'ordre réel en ce monde, parce que, pas de fonction de l'Idée. 

Il importe peu que le matérialisme se situe à droite ou à l'extrême gauche , puisqu'il est des révolutions prolétariennes qui ne sont qu'un triomphe de l'esprit bourgeois. L'or est comme le démon, il a tous  les langages et toutes les séductions. 

Versailles est la concrétisation de toutes les aspirations malsaines entretenues dans les monde des "victorieux" par la parcelle d'or conservées dans nos poches et jusque dans nos âmes. 

Au lieu de clore une époque, la paix continua cette époque, c'est à dire, qu'elle recompose la vie européenne, sans exclure les puissances que la guerre, fatalement engendre: la haine, le ressentiment et cet égoïsme des vainqueurs momentanés en présence des souffrances des vaincus, également momentanés...car nulle victoire n'est définitive, si elle s'appuie sur une moralité de bête féroce ; et nulle bête n'est plus capable de férocité que la bête humaine, lors qu'elle tâte, au fond de sa poche, la parcelle de métal dont un malencontreux destin lui a fait don.

Les politiciens qui signèrent ce traité étaient le "produit" d'une mentalité créée par le régime de l'Or. Au lieu d'imaginer vigoureusement des conditions de vie permettant d'associer les vainqueurs et les vaincus à une même oeuvre de redressement, ils ne surent pas dépasser les aspirations que l'éternelle convoitise allume dans le cœur et dans l'esprit des hommes. Ils suivirent la pente facile que le régime propose à notre faiblesse instinctive et ils tombèrent dans cette médiocrité dont nous payons, aujourd'hui, la redoutable échéance.

Mais ne fallait-il pas conserver à chacun, la parcelle d'or pesant  en chaque poche et en chaque esprit ? Et comme l'or, à l'état de parcelle ou de bloc engendre l'idée de la jouissance et la frénésie de la facilité, les sentiments virils, dont ont besoin, cependant, les lendemains de catastrophe, ne purent éclore, et l'Europe resta un amalgame hétéroclite au lieu de devenir le continent uni que certains rêvaient de réaliser. 

Mais il fallait "imaginer", sortir de l'ornière habituelle; penser la vie future, comme les poètes, les artistes pensent l'oeuvre qu'ils auront à édifier. Cette vie fatale, du futur, on la pensa bourgeoisement, matériellement; en bourgeois qu'on était. Jamais l'esprit bourgeois ne comprendra la poésie qui manifeste dans les concret vital, l'effet de sa nature divinatoire - puisque cette nature a pour mission d'exercer sur les mots, sur les sons, les couleurs ou les actes sociaux, un pouvoir d'associations jamais entrevues avant que la poésie les ait rêvées et formées. Il existe, dans toute politique féconde un fait futur qu'il faut vouloir en rêve avant qu'il soit une réalité. Il faut, en politique, imaginer le temps qui vient fatalement; c'est alors que le temps réalise quelque chose dans un présent quelconque; et il le fait parce qu'il se sent travaillé par une volonté puissante - qui n'est telle qu'en vertu des échéances lointaines dont elle se sent inspirée. 

Maxime NEMO ( Inédit de 1939 ) 

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11 mai 2020 1 11 /05 /mai /2020 18:41

Symphonie verbale...

Beethoven pleure - gronde -mugit - triomphe.....

Mon être est porté par les Harmonies !

Oh…...

ces ondes…. ces ondes…. ces ondes qui grondent……….

vais - je sourdre au suprême où se tendent mes nerfs,

que va-t-il éclater dans ma poitrine étroite ?

Des coups de gong - des coups de gong ! sourds comme une mort qui ne voudrait pas être...

Oh torsions qui s'engendrent…. l'une à l'autre enchaînées.

Les harmonies en pleurs tordent leurs cheveux bruns - 

Le vent qui les affronte est semé d'étincelles !

Les cordes affolées pleurent leur désespoir...

pleurent le lourd malheur de l'heure morte et sombre,

ombre qu'ajoute à l'ombre le noir qu'elle illumine;

toutes pleurent au chœur - au chœur vibrant qui meurt...

Comme une étreinte atroce est latente en mon âme...

Je vois les malheurs espacés sur ma route...

ceux de mon propre cœur - liés par le soupçon - aux malheurs rencontrés

les soirs de déroute...

Mes yeux n'ont plus rien de vivant:

ils sont un défilé que peuplent les fantômes...

Lente théorie des êtres affligés:

des femmes… des femmes...des femmes…. pâles

doigts épars…. marchent livides….. tendant les bras…..

des veuves, de mornes veuves…. de la vie exaltant leurs malheurs…..

pleureuses décharnées au bord béant des tombes...

Elles passent… sombres… chantant la Mort - squelettique...à pas lents

…. dans mes yeux qui les regardent…. toutes sombres…. toutes noires.

Ah !!!!!!

ce bras que le voile a démasqué soudain !!!

ce bras ! ce bras ! qui n'est qu'un os - blasphèmant au ciel pâle...

ce bras dont l'humérus dans la lumière

fait un "I" fantastique insultant au ciel blême...

un bras tout droit - tout noir - tout sec

qu'étoilent squelettiques les phalanges sculptées….

Oh les veuves !!!! masques les trous… remplaçant par deux yeux,

qu'ombre qu'orne l'arcade, impeccable et très blanche,

l'os frontal poli comme un destin passé… comme un rêve

Elles passent lugubres en chantant leur voix creuse….

Le cortège est mouvant comme une onde qui roule...

et, macabres, et craquant un bruit de castagnettes

les vertèbres cassantes entrechoquent leurs os……...

J'étouffe !!!! J'implore…. ondes sonores…..

ne brisez pas ce soir tous mes ressorts de vie…..

ondes…..ondes.....dormez dans ma puissance en feu...

j'anéantis mes sens pour échapper à vos torsions furieuses...

Sourd je veux être aux prises fantastiques.

Sortilège !!!!!

le chant se relève en marchant

la scandaison magique a chassé l'ombre close,

un soleil acclamant brille sur les cymbales !!!!

La Lumière !!!!!!!

j'acclame et vibre par l'espace !!!!!

Arbres !.... bruissez au bleu que dore sa clarté !!!!!

effeuillez vous, divins ! aux horizons limpides !!!!

tout est rire… en vos chants inespérés et divins

j'acclame les roseaux qui bruissent au soleil !!!!

Les eaux, les grandes eaux qui rutilent d'or blème !

Espoirs vivants, divins, exaltés d'or liquide 

l'argent des peupliers fourmille de clarté

marchez en tressaillant sur les routes sonores !!!!!

La ville est prise !!!!

Rumeurs, poussière.… éclat !!!

Trompettes !!!! allumez vos couleurs;

rires farouches, frénétiques stridez !!!

de tout l'empire de vos diaphragmes réunis !!!!

A quoi bon la cuirasse offensant la chair vive….

des soies et des velours harmonisés de pourpre !!!

des chevaux piaffant une poussière blonde !!!!

des femmes nues…. des femmes nues !!!!

blanches dans la poussière au devant des chevaux….

avec des gestes lents tout parsemeurs de roses:

pétales balancés dans la lumière - un peu  - 

et faisant sur le sol des coques que l'on foule….

O Clarté !!!!

rutile ! frissonne ! acclame !

change le cuivre en or et l'or en soleil pur !!!!!

pour le triomphe ardent et puissant des vainqueurs !!!!!!!

 

O  Beethoven ! Beethoven !!

Beethoven aux doigts d'argent plus puissant que la VIE ……..

Maxime NEMO  ( Strasbourg , le 1 Aout 1919 )

Illustrations :

Fidelio: opéra de Beethoven au Teatro Colon de Buenos Aires.

Ewald Dülberg "les vierges folles" "Die törichten Jungfrauen“, Glasfenster, 1922 (Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg)

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9 mai 2020 6 09 /05 /mai /2020 16:08

Près de soixante dix conférences de Maxime NEMO s'égrènent sur tout le territoire de 1919 à 1941 autour de cycles thématiques sur la poésie française  (Verhaeren, Verlaine, Vigny , Samain, Baudelaire) le théâtre tragique de Sophocle, à Ibsen, (le MacBeth de Shakespeare, la Tétralogie de Wagner , B.Shaw ) des grands auteurs :  Britannicus de  Racine, l'Avare de Molière,L'âme russe dans Hyménée de Gogol, l'Unanimisme de Jules Romains...

42 lieux ont été identifiés des Ecoles Primaires Supérieures (EPS) aux Lycées, et Universités, Clubs d'Etudiants, Cercles Littéraires de Bruxelles à Alger .Tous ont fait l'objet de critiques enthousiastes des chroniqueurs et admirateurs dont Mlle de l'Hôpital, Robert Chennevière, Béatrice Dussane, Maurice Lame,Francis Eon mais aussi , le Ministre des Sciences et des arts de Belgique, les Inspecteurs d'Académie.La Presse de l'époque à travers RetroNews et Gallica BNF nous aident grandement à retrouver ces instants de communion, les archives radiophoniques de Radio Paris 1937 n'ayant pas été archivées par l'INA .

La guerre aura eu raison de ce bel enthousiasme et cet engouement pour les conférences qu'avaient suscité Jean Richard Bloch, Georges Duhamel, Louise Lara, Jacques Copeau, Louis Jouvet et Romain Rolland. Nul doute que Maxime Nemo a su conquérir un vaste public qui répondait ainsi à son appel pour ce que JM Blanquer appelle aujourd'hui "une jeunesse apprenante et culturelle"...

L'élan intellectuel et mobilisateur de "l'Ilôt" trouvera dans "l'Association Jean Jacques Rousseau" après la guerre et dès 1947 son prolongement naturel. Le tour de France de cet orateur infatigable ne s'achèvera qu'en 1975 après une vie que je raconte dans mon dernier ouvrage à paraître: "Maxime Nemo : le passeur des lettres"où je développe ces deux  grandes périodes de sa vie .Il n'aura pas eu le temps de mener à bien ses deux projets, répandre les idées de celui qu'il appelait son cher "Jean Jacques" au Japon et en Uruguay à l'invitation du Pr .E.Nagata de l'Université de Kyoto et du bibliophile sud américain d'origine italienne: Ottorino Coppetti-Burla .

Cartographie établie avec l'aimable collaboration de Jean François Bradu. Remerciements.

 

 

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