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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 14:02

Jean Jacques, le devin et les oiseaux
S'il pouvait revenir, Rousseau constaterait sans doute que , deux cents ans après sa mort, ses "ennemis" n'ont pas désarmé. A moins que ce ne soit seulement le mauvais sort qui s'acharne: on devait donner deux représentations du Devin du Village dans le parc de la mairie de Montmorency (Val d'Oise). des gradins avaient été installés face à un cèdre magnifique( un cèdre planté par Jussieu ? C'est ce qu'on dit entre soi sans en être bien sûr.), on répétait depuis trois jours, le public était là, mais les musiciens ne venaient pas.
9h.30, 9h45... malgré la fraîcheur du soir, un peu humide puisqu'il avait plu dans l'après midi, il y avait seulement un peu d'impatience bien compréhensible : découvrir Jean Jacques compositeur, écouter un petit ouvrage charmant, une pastorale applaudie par le roi à Fontainebleau en 1752, qui devait servir de modèle à Bastien et Bastienne de Mozart, et de point de référence pendant plus d'un siècle au genre si particulier de l'opéra-comique français, cela aiguise singulièrement la curiosité; enfin les occasions ne sont pas si fréquentes d'aller à l'opéra à Montmorency.
Et puis, un peu avant 10 heures, le maire a dû s'excuser auprès des personnalités et auprès du public:
"les chanteurs acceptent de chanter, les danseurs de danser, le nouvel orchestre philarmonique de radio france refuse de jouer dans le parc de la mairie; la représentation est donc annulée, celle de demain aussi." Le public conspua les musiciens et s'en fut.
Mais la soirée n'était pas vraiment finie: dans la salle des fêtes qui fait face à la mairie, les instrumentistes devaient maintenant faire face au mécontentement des spectateurs  les plus eélés. Ils protestent sous les insultes : " Nous voulons jouer mais pas dans le Parc: un repli était prévu à l'église, on ne nous a pas laissé le choix." Les gens s'étonnent: "M. le maire ne nous a pas présenté les choses comme cela !"
C'ets vrai, l'église était prête, toute illuminée, avec un podium, des chaises, des pupitres ( il aurait seulement fallu renoncer à la mise en scène); mais à Orange et ailleurs, on a vu des musiciens accepter de jouer en plein air dans des conditions bien plus difficiles. Enfin la salle des fêtes, avec sa petite scène, n'offrait-elle pas, à mi chemin, une solution envisageable ?
Il n'y avait donc aucune raison d'annuler purement et simplement ; il faut croire que la musique est parfois  tributaire du ton sur lequel sont menées les négociations: vers 9h.30 , quand une vielle dame curieuse a regagné sa place en soufflant à sa voisine: " Maintenant ils en sont aux noms d'oiseaux !" , on n'avait plus guère de raison d'espérer.


Gérard CONDE  - Le Monde du 3 octobre 1978  page 25

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