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4 avril 2020 6 04 /04 /avril /2020 17:49

Après ses quatre années de guerre, Nemo est localisé en 1916  à Sens 16 rue Rigault où il vient en aide aux blessés de guerre puis affecté aux services à l'Etat major rue de Sèvres, Maxime Nemo qui vient d'avoir 31 ans se retrouve à l'Université populaire de Strasbourg à enseigner la philosophie comme l'atteste son ami allemand Horst Schumacher de l'Université de Minden puis de Polytechnique et Lyon. Comment a-t-il intégré le réseau des universités populaires, cela est assez logique puisque fréquentant ses adeptes comme Henri Barbusse, Georges Chennevière, Romain Rolland, Han Ryner  ou JR Bloch au sein de la revue "Notre Voix" dont il est devenu le correspondant à Strasbourg et d'où il signe ses articles de juillet 1919 "Invocation" (voir plus loin) 

La fréquentation de cette Université très emblématique puisque dans l'immédiat après guerre, la France a souhaité doter la nouvelle Université de Strasbourg d'un corps professoral de tout premier plan 15 chargés de cours et 5 maîtres de conférences pour la Faculté des Lettres sous la conduite du Doyen Pfister.

Qu'on en juge par les noms prestigieux qui l'accompagnent : Henri Bergson, Lucien Febvre, Marc Bloch...

Les archives de l'Université Populaire de Strasbourg et le détail des  fiches personnelles des enseignants ayant été sans doute rapatriées sur l'Université de Clermont Ferrand en 1939 à 1945. On ignore où se trouvent le contrat de recrutement des enseignants et l'intitulé de leurs cours. Dommage. 

A propos de l'ouvrage d'une des grandes spécialistes de l'histoire de cette Université Françoise Olivier-Utard, de l'AMEMOS ,M.Bischoff qui en donne un compte rendu dans la Revue Alsace dit :"La difficulté du sujet tient à sa dimension politique, à ses enjeux intellectuels, et, plus encore, à sa mémoire, car c’est effectivement celle‑ci, souvent fort volatile, qui porte sa substance. De ce fait, les sources sont souvent insaisissables. Côté archives, l’auteur se limite (si l’on peut dire, car c’est un monde), à ce qui se trouve aux Archives départementales du Bas-Rhin, mais elle en tire énormément de choses. Est-ce la partie émergée de l’iceberg ? L’enquête doit être poursuivie à partir des archives centrales, à Paris – le Quai d’Orsay, probablement –, à l’étranger peut-être, dans celles des universités partenaires, et, bien entendu, mais l’enquête est très difficile, dans les papiers privés des enseignants chercheurs ou de leurs mécènes (on pense à la marquise Arconati-Visconti, récemment évoquée par Thérèse Charmasson, à Albert Kahn…). Un exemple parmi d’autres, la Bibliothèque municipale de Colmar est dépositaire de ceux de Paul Leuilliot, étudiant en Histoire au cours des années vingt, et, plus tard, secrétaire de rédaction des Annales : on y trouve des notes de cours de Marc Bloch".

De cette parenthèse strasbourgeoise, aucun écrit à part les articles dans les revues anarchistes ou libertaires comme Notre Voix (Paris) et la Gerbe (Nantes) et rien sur sa fascination pour la culture allemande dont se fait écho Dr. Horst Schumacher dans un article paru dans le Mindener Tageblatt du 16  janvier 1976 citant Nemo alias Nestor de l'organisation "Kogge"comme ses amis Pierre Garnier ou Franz Zwiellinger. 

Sa participation au Congrès socialiste de la SFIO à Strasbourg en 1920 est mentionnée à plusieurs reprises mais pas de prise de parole ni d'articles dans la Presse n'a pu être trouvée à ce stade. Je renvoie donc au discours du Président Camarade Citoyen Loriot (sic) qui regrette l'absence des camarades italiens et allemands et appelle à la création de la IIIè Internationale et à cet inédit de Maxime NEMO daté de 1920. 

"Le Congrès International socialiste s’ouvrait à Strasbourg. Des délégués du monde entier étaient réunis en cette ville qui est comme la main de la France tendue à l’Europe centrale. La première séance était présidée par Friedrich Adler.

Jean avait demandé à prendre la parole après le discours d’ouverture. Il monta à la tribune et déclara : « Je mets en accusation la conscience socialiste du monde ».

Une stupeur se manifesta parmi les assistants. Jean reprit sa phrase et la répéta lentement. Puis il ajouta :

« Je vais vous dire pourquoi»: Alors, il rappela les événements des cinq dernières années, comment les gouvernements dits bourgeois avaient plié  sous le fait des événements, comment il avait dirigé le mouvement en France et comment, enfin le pouvoir était venu jusqu’à lui. Il marqua un temps :

« A notre époque, être le gouvernement est peu de chose puisqu’à l’écart du gouvernement, une force bien supérieure commande à tous les événements de la vie publique. »

Il définit  sa situation au lendemain de son arrivée à la direction des affaires, puis il retraça les phases de la lutte qu’il avait entreprise contre les forces financières :

«  Aux yeux des possesseurs de ce monde, nous étions l’étincelle dangereuse dont il fallait étouffer la vie. Rien n’a été négligé pour que notre disparition fût totale. Nos industries sont minées, notre faculté d’exportation est anéantie, nos grandes entreprises intellectuelles et sociales menacent de s’écrouler…

Ce pays qui a fait trois révolutions en cent et quelques années, ce pays qui a donné la démocratie à la terre, qui dans le domaine des arts et la pensée a créé des mouvements et enfanté des hommes de génie, ce pays se demande si, pour que le monde s’ébranle, il devra jeter dans la bataille son dernier enfant et la richesse de sa dernière motte de terre ?

Socialistes du monde, pendant que nous luttions contre vos financiers, mais aux nôtres, qu’avez-vous faits ?

Croyez vous donc que la lutte  entreprise soit comparable à une course de taureaux et qu’il vous suffise d’acclamer et de jeter votre superflu dans l’arène pour que le combat soit justifié …?

Je sais que Montevideo est loin du Havre et qu’il faut des heures de chemin de fer ou de bateau pour atteindre Stockholm, Dantzig, Liverpool ou Vienne de Paris ou de Lyon ! Mais est-ce vraiment l’argument dont vous vous serviriez pour justifier votre indifférence, votre inaction, vous qui suivez une doctrine qui a pour but de faire du centre de la conscience individuelle, le centre de l’univers ».

Maxime NEMO, 1920 (Inédit)

La parenthèse strasbourgeoise 1919-1920La parenthèse strasbourgeoise 1919-1920
Extrait du Blog de Jeannine sur l'Université populaire de Strasbourg
La fondation

     Cette université a été fondée il y a plus de cent ans, après la Grande Guerre mondiale. L'Alsace et la Moselle ont été annexées à l'Empire allemand après des négociations très serrées entre Bismarck et Thiers, à la tête d'un gouvernement provisoire, après la chute de Napoléon III. Bismarck est intransigeant à propos de ces trois départements où la guerre continue. Le sud de l'Alsace, c'est à dire l'actuel Territoire de Belfort est enlevé au Haut Rhin ; la Moselle est détachée de ce qui est aujourd'hui le département de Meurthe et Moselle ; Alsace et Moselle seront terres d'Empire jusqu'au Traité de Versailles en 1919.
 
     Autrement dit : germanisées, avec la même rigueur que l'Allemagne. Nous avons gardé de cette période ce que nous appelons 'le droit local', avec, entre autres, des lois spécifique sur la Sécurité sociale, sur l'artisanat et aussi le Concordat avec le Saint-Siège qui va rester en vigueur en France jusqu'à la loi de 1905, mais qui demeurera d'application dans nos régions et que nous veillerons à maintenir par la suite.

     Lorsque l'Alsace-Moselle redevient française, le gouvernement évince tous les fonctionnaires germanophones et les remplacent par des fonctionnaires français qui ne parlent pas l'allemand ... alors qu'ici on ne connaît pas le français qui n'a plus été enseigné dans les écoles depuis cinquante ans. Cette situation de fait est à l'origine de l'Université populaire, créée pour apprendre le français aux adultes.

Un enseignement diversifié

     Mais au fil du temps cette université est devenue un instrument de culture pour des milliers de personnes : en langues étrangères, en français pour l'Europakorps ... et pour d'autres ; mais aussi dessin, informatique, philosophie, histoire de l'art, yoga, etc. ... et histoire contemporaine et histoire des religions : deux matières qui m'ont été confiées il y a une dizaine d'années.

     Les auditeurs paient un droit d'inscription modique, qui leur donne droit à vingt-six séances de une heure et demie chacune. Parmi les auditeurs, beaucoup de retraités, certes, mais aussi des personnes en pleine activité, voire de jeunes étudiants, car les diplômes de langue sont reconnus au titre de la formation professionnelle : ainsi on peut préparer un diplôme d'allemand reconnu avec l'Institut Goethe, ou un diplôme d'anglais, reconnu avec l'université d'Oxford. Mais il y a des cours de chinois, de grec, d'alsacien ...

     Les professeurs se contentent d'une rémunération de vingt sept euros l'heure : l'Université Populaire fonctionnant comme ' association '.
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